Critiques // Critique . » La Tempête » de W. Shakespeare, mise en scène de Philippe Awat, au théâtre d’Ivry

Critique . » La Tempête » de W. Shakespeare, mise en scène de Philippe Awat, au théâtre d’Ivry

Mai 14, 2013 | Aucun commentaire sur Critique . » La Tempête » de W. Shakespeare, mise en scène de Philippe Awat, au théâtre d’Ivry

ƒƒƒ Critique Camille Hazard

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©Hervé Bellamy

Sans tisser de liens criants entre les pièces de Shakespeare, Le Songe d’une nuit d’été et La Tempête, comme l’avait fait Georges Lavaudant à la MC93 en 2010, Philippe Awat propose une mise en scène qui traverse et bouleverse les âges. Sans être changés ni inventés, les âges des personnages, les multiples périodes de la vie, sont mis en exergue et montrés sous forme d’un kaléidoscope, de pixels qu’il nous faut regarder avec distance pour voir défiler la profondeur philosophique de cette oeuvre. Ces petits carrés de « pixels », ces tableaux, ces scènes, Philippe Awat va les colorer sans s’interdire la moindre limite (c’est en tout cas l’impression qu’il donne). Il réunit principalement dans sa mise en scène, le théâtre vivant, très vivant, la magie et ses possibilités d’illusions d’optique, de bouleversements sensoriels et la peinture très présentes au long du spectacle.

« …Nos divertissements sont finis. Ces acteurs,

J’eus soin de vous le dire, étaient tous des esprits:

Ils se sont dissipés dans l’air, dans l’air subtil. »

Prospero, Duc de Milan  chassé de son royaume par son frère Sébastien, atteint miraculeusement les rivages d’une île avec sa fille. Au début de la pièce, 12 ans se sont écoulés; devenu magicien, il provoque une tempête et le naufrage inévitable d’un bateau qui transporte en ses flans, son frère, nouveau Duc de Milan par usurpation, le roi de Naples, son fils et sa cours. Accompagné d’Ariel, esprit des airs, il va pouvoir enfin lâcher sa vengeance qu’il a tant nourri…

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Chaque personnage de la pièce est taillé, coloré, articulé par des comédiens magistraux. Le travail sur le corps est très impressionnant, il donne entre autre, la possibilité à Caliban de changer d’allure, de carrure, de crapahuter où bon lui semble avec la dextérité d’une bête qui court, qui grimpe, qui saute.Le plateau est envahi par une surface lisse, qui suit le mouvement d’une vague. Cette surface permet à nous spectateurs, d’entrer pleinement dans cette île shakespearienne: on la voit comme une toile de peinture sur laquelle, des personnages se dessinent dans notre mémoire, c’est également la coque du navire coulé par la tempête de Prospero, mais c’est aussi, une immense tôle d’acier coupant, que les protagonistes doivent continuellement franchir pour atteindre un but… Le jeu est partout, à l’horizontal, vertical et dans les airs…Car le metteur en scène a travaillé avec Clément Debailleul et Raphaël Navarro, tous deux formés aux arts du cirque et à l’art de la magie comme langage artistique et poétique. Ariel lévite, se dédouble grâce à des hologrammes…Enfin notre coeur d’enfant n’est pas en reste. Cette beauté visuelle et magique éclaire l’atmosphère plutôt sombre des décors, chape de plomb au-dessus de la tête de l’Homme.

La traduction, évidente, dissocie les passages en vers, des passages en proses. Le langage soutenu et poétique côtoie la gouaille et les insanités des deux personnages Trinculo et Stéphano. Thierry Bosc, majestueux impose un Propsero empli d’une vraie noblesse d’âme, de sagesse et de coeur avec tout de même des côtés sombres voire tyranniques. Miranda sa fille, petite fleur frêle, incarnée par Angélique Zaini n’hésite pas, dès que possible, à teinter son personnage ingénu d’un caractère bien trempé, et très actif !

Travail en peinture; de l’art flamand à Hans Bellmer…

Les influences picturales sont très présentes dans le spectacle et participent à notre évasion. L’atmosphère est proche de celle des peintures du Greco, sombre avec tout de même des points lumineux laissant entrevoir des traits de visages grossiers, toile emplie d’un désespoir certain mais toujours animée d’un feu sacré, fantastique. Les deux gais lurons Trinculo et Stéphano, paraissent s’être libérés d’une toile de Jacob Jordaens ou autres peintres flamands; villageois aux traits burinés, saouls, la bouche hurlante, la peau rouge et grasse, baragouinant un juron à chaque tentative de prise de parole… Jubilatoire ! Enfin Ariel (Pascale Oudot) personnage immatériel, nue, enveloppée d’un collant chair, transparent, est l’être tant recherché par l’artiste Hans Bellmer lorsqu’il assemble ses poupées: créatures monstrueuses et poétiques.

Philippe Awat a bien fait de s’entourer de ces acteurs, de ces artistes magiciens, et surtout de s’être fait confiance dans sa vision de cette pièce, le résultat est magnifique.

 

La Tempête
De William Shakespeare
Mise en scène Philippe Awat
traduction et adaptation Benoîte Bureau
Assistante à la mise en scène Magali Pouget
Effets scéniques Clément Debailleul
Espace scénique Benjamin Lebreton
Lumière Nicolas Faucheux
Assistant Lumière Fabrice Guilbert
Création musicale Victor Belin et Antoine Eole
Création sonore Emmanuel Sauldubois
Création costumes Pascal Robin, assistée de Marie Bragard
Maquillages et coiffures Nathy Polak
Travail corporel Véronique Ros de la Grange
 
Avec Thierry Bosc, MikaëlChirinian, Xavier De Guillebon, Laurent Desponds, Benjamin Egner, Malik Faraoun, Serge Gaborieau, Florent Guyot, Pascale Oudot, Jean Pavageau et Angélique Zaini

Jusqu’ au 9 juin 2013Mardi, mercredi, vendredi et samedi à 20h00 –  Jeudi 19h00 – Dimanche 16h00 –  Relâche les 15, 20, 27 mai et 3 juin.

Théâtre d’Ivry Antoine Vitez
1 rue Simon Dereure – 94200 Ivry
Métro : Mairie d’Ivry 
Réservations 01 43 91 11 11
www.theatre-quartiers-ivry.com

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