Critiques // Critique • « Hôtel Palestine » de Falk Richter, mise en scène J-C. Fall au Théâtre des Quartiers d’Ivry

Critique • « Hôtel Palestine » de Falk Richter, mise en scène J-C. Fall au Théâtre des Quartiers d’Ivry

Déc 17, 2011 | Un commentaire sur Critique • « Hôtel Palestine » de Falk Richter, mise en scène J-C. Fall au Théâtre des Quartiers d’Ivry

Critique de Camille Hazard

En mettant en scène Hôtel Palestine, Jean-Claude Fall plonge dans le théâtre politique de Falk Richter, metteur en scène allemand associé à la Schaubühne de Berlin.
Cette pièce annonce la naissance d’un vaste projet d’écriture « Le Système » débuté par son auteur en 2003 et portant sur notre monde, ses valeurs, ses angoisses, sa perdition…

« Un mensonge n’est pas un mensonge tant qu’on ne connaît pas la vérité. Quand quelque chose que l’on a affirmé et auquel on croit s’avère ensuite ne pas être vrai, ce n’est pas un “mensonge” mais une erreur. » (Bob)

Falk Richter prend appui sur un drame pour donner vie à son théâtre : Hôtel Palestine : cet hôtel irakien bombardé en 2003 par l’armée américaine. « Bavure » qui coûta la vie à plusieurs journalistes.

© Marc Ginot

Jean-Claude Fall met en scène journalistes venus enquêter sur les conditions de cette guerre et politiciens issus du cercle intime présidentiel sous l’ère Georges W. Bush. Les situations se déroulent certainement à l’intérieur de l’hôtel mais ici les repères spatiaux-temporels n’ont pas d’importance tant les mots sont directs, percutants et aiguisés. Nous assistons à un pamphlet contre l’Amérique ; l’Amérique du mensonge, de la corruption, de la naïveté, cette Amérique infantile qui se borne à vouloir conquérir le monde, qui n’hésite pas à se servir de la Bible comme fer de lance, tout en baignant dans un climat de trahison, de manigances et de soupçons.
Six personnages se distribuent les rôles d’accusateurs et de défenseurs. Car la voix de l’Amérique compte ! Et sous les traits d’un homme qu’on imagine directeur de campagne, de communication, d’une jeune femme dynamique chrétienne, caricature des militantes du Tea Party et du porte-parole du gouvernement, elle entend bien plaider sa cause. Arguments simplistes empêchant toute tentative de dialogue: « Nous contrairement à vous, nous n’avons jamais soutenu de dictature » (Patty).

En prenant appui sur cet événement tragique survenu il y a huit ans, Falk Richter propose un texte fort, tentaculaire qui déploie ses visions et ses vérités. Il éveille notre conscience face à l’inacceptable inertie des peuples, face à l’effondrement de notre humanité.

© Marc Ginot

Jean-Claude Fall intègre au texte initial, des séquences et des archives vidéos de l’annonce et de la justification de l’entrée en guerre des USA en Irak. Si la mise en scène et la scénographie appartiennent au symbolisme, ces passages projetés en images apportent tout le réalisme, l’horreur et l’absurdité de ces discours guerriers.
La scène jonchée de sable est divisée en deux par un mur : mur de la honte, mur du mensonge, de la division, de l’obstacle, de la dureté, de l’infranchissable, de la désolation, de l’enfermement…
La symbolique du mur est poignante et suffit. Nul besoin d’autres éléments de décors ni d’accessoires…

De l’espace, un élément métaphorique, des acteur.

C’est presque uniquement par leur voix que les acteurs amènent de la chair au texte. Dans un jeu toujours frontal, il reste en lien avec nous. Nous faisons partie du mensonge, parfois témoins, parfois jurés, nous tenons un rôle responsable. Les acteurs font preuve d’un engagement qui apporte le nerf du spectacle. Simples, tranquilles et décidés, ils sont à la fois ancrés dans la situation qu’ils jouent et à la fois en distance pour mettre en lumière leur engagement.
Si la forme du spectacle peut parfois apparaître comme didactique, la vérité des mensonges révélés, noue la gorge même lorsqu’on les connaît.

Hôtel Palestine
De : Falk Richter
Mise en scène : Jean-Claude Fall
Traduction : Anne Montfort
Avec : Marc Baylet-Delperier, Christelle Glize, Patty Hannock, Philippe Hérisson, Vincent Leenhardt, Céline Massol.
Scénographie : Gérard Didier
Vidéo : Laurent Rojol
Bande-son originale : Eric Guennou
Costumes : Marie Delphin, Gérard Didier
Lumière : Martine André, Jean-Claude Fall
Assistant : Samuel Carneiro
Direction technique : Jean-Marie Deboffe

Du 7 au 17 décembre 2011
Du lundi au samedi à 20h, le jeudi à 19h

Théâtre des Quartiers d’Ivry – Studio Casanova
69 Avenue Danielle Casanova, 94200 Ivry-Sur-Seine
M° Marie d’Ivry — Réservations 01 43 90 11 11
www.theatre-quartiers-ivry.com

Be Sociable, Share!

Répondre

You must be Logged in to post comment.