Critiques // Critique . « Gould Menuhin » au Théâtre de l’Atelier.

Critique . « Gould Menuhin » au Théâtre de l’Atelier.

Fév 25, 2013 | Aucun commentaire sur Critique . « Gould Menuhin » au Théâtre de l’Atelier.

ƒ Critique Jean-Christophe Carius

Gould/C.Berling/Théâtre liberté

© DR

Paradoxe sur le musicien

Le parcours des hommes et femmes de génie instruisent toujours sur les modalités de leurs époques. Enfants prodiges devenus musiciens virtuoses, Glenn Gould et Yehudi Menuhin furent deux phénomènes simultanés de la nature et de la culture humaine. Pianiste fascinant, Glenn Gould a laissé une figure de créateur marquée par les excentricités que lui inspirait sa démarche de “puritain” intellectuel et artistique. Féru de technologies audiovisuelles, il incarna radicalement les principes de “l’œuvre d’art à l’époque de sa reproduction technique” en cessant les concerts en public pour ne produire que des créations discographiques. Violoniste exceptionnel, Yehudin Menuhin fut engagé toute sa vie en faveur des droits de l’homme. Il consacra toutes ses forces musicales à soutenir les soldats des troupes alliées pendant la deuxième guerre mondiale, joua à la libération des camps et œuvra pour la réconciliation. Pédagogue à l’esprit humaniste, fondateur d’écoles, de festivals et de prix, il fut également à l’origine de la propagation du yoga dans le monde occidental en facilitant la venue en Europe de B. K. S. Iyengar.

Dans un décor évoquant le studio de télévision où Gould et Menuhin enregistrèrent ensemble, en 1965, des pièces de Bach, Beethoven et Schoenberg, le spectacle “Gould Menuhin” met en scène l’entrecroisement artistique et philosophique de ces deux approches contradictoires mais pas opposées. Charles Berling et Ami Flammer représentent respectivement les points de vues et les silhouettes de Gould et de Menuhin. Sur un ton mi-documentaire, mi-narratif, le spectacle développe sa thèse à travers un collage de citations que réverbère un environnement d’objets, symboles des différents aspects de la problématique. Cette confrontation contrapuntique laisse affleurer les prémisses d’un intéressant paradoxe sur le musicien. Elle esquisse un renouvellement de la réflexion de Diderot qui comparait jeu d’âme et jeu d’intelligence chez le comédien. “Gould Menuhin” est un sujet original et parfaitement enthousiasmant mais abordé au moyen de tirades dont l’agilité ne comble pas vraiment le côté en pointillés. Avec courage et générosité, le spectacle se laisse prendre au risque d’échouer au pied des envergures qu’il veut mesurer. Face à la passion de Gould pour les architectures musicales et à la conviction philanthropique de Menuhin, la discipline requise par les ombres portées de ces vies de surdoués semble d’une exigence difficile à composer. La mise en jeu du génie d’un interprète entrouvre la porte d’un abîme que la pièce peine encore à enjamber et le signe qu’elle produit se reçoit comme l’aperçu d’une forme plus accomplie et plus pénétrante, à venir et souhaitée.

« Gould Menuhin »
De Charles Berling, Christiane Cohendy, Ami Flammer

Mise en scène : Charles Berling, Christiane Cohendy
Avec : Charles Berling, Ami Flammer, Aurélie Nuzillard
Dramaturgie : Florence Bosson
Scénographie : Christian Fenouillat
Vidéo : Pierre Nouvel
Lumière : Bertrand Couderc
Son : Léon Blomme
Costumes : Mirna Rossi
Assistante à la mise en scène : Léa Ortelli

Jusqu’ au 16 mars – Du mardi au samedi 21h – Matinées samedi et dimanche 16h

Théâtre de l’Atelier
1, place Charles Dullin 75018 Paris
Métro : Anvers
Réservations : 01 46 06 49 24
http://www.theatre-atelier.com

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