Critiques // Critique • « Fille du paradis » d’après Nelly Arcan, adaptation Ahmed Madani à l’Essaïon Théâtre

Critique • « Fille du paradis » d’après Nelly Arcan, adaptation Ahmed Madani à l’Essaïon Théâtre

Déc 17, 2011 | Aucun commentaire sur Critique • « Fille du paradis » d’après Nelly Arcan, adaptation Ahmed Madani à l’Essaïon Théâtre

Critique de Bettina Jacquemin

Une parole à entendre

Véronique Sacri porte la parole fragile de l’écrivain, Nelly Arcan sur la scène du Théâtre Essaïon. Une interprétation intense, un récit qui nous renvoie à nos peurs mais aussi beaucoup de tendresse.

Nelly Arcan se fait connaître en 2001 avec la parution de Putain, un premier roman inspiré de ses années passées dans la prostitution. Devenue escorte afin de payer ses études dans un premier temps, elle poursuit ses « activités » par appât du gain puis envoie à une maison d’édition le récit d’une jeune étudiante composant un jour le numéro d’une agence d’escorte.

Rudesse et luminosité

Ahmed Madani s’empare de ce roman et met en scène Véronique Sacri au Théâtre Essaïon. Le langage est cru et la charge est lourde ; on entend la rage « contre l’icône dévastatrice de la femme parfaite », la douleur de la « putasserie », on avoue le plaisir, aussi. Un récit qu’on souffre parfois à entendre parce que, loin d’être désireux d’écouter ce qui dérange.
Plus que l’âpreté des mots, la mise en scène tiédit les pierres de la petite salle voûtée du Théâtre Essaïon. La comédienne est plongée dans le noir et, nous avec. Et, les musiques envoûtantes de PJ Harvey suffisent à accompagner le récit d’une jeune femme en détresse.

Véronique Sacri saisit la parole bouleversante de l’auteur, communique avec rudesse mais, seule en scène et sans nudité (le texte se suffit à lui-même) devient le médiateur d’une parole qui n’échappe plus à personne. Il y a dans son interprétation ce ‘’je ne sais quoi’’ de captivant et, plutôt que de déranger, la comédienne fascine donnant à celle qu’elle interprète la luminosité que dégagent souvent celles qui souffrent. De quoi apaiser l’intensité du propos, une tranche de vie qui ne laisse tout de même pas indifférent.

Rien n’est facile à entendre et le récit parle aux consciences et aux sexes. Qui ont-ils donc dans leurs bras, ces hommes qui ne voudraient surtout pas que leurs filles se prostituent ? Le récit condamne parfois longtemps et beaucoup, un protagoniste plus que l’autre, un sexe plus qu’un autre. Mais, il y a là, UNE parole de femme et tout est mis en œuvre pour l’entendre, avec tendresse.

Fille du paradis
D’après : Nelly Arcan, Putain (Éd. du Seuil)
Adaptation et mise en scène : Ahmed Madani
Avec : Véronique Sacri
Scénographie : avec la complicité de Raymond Sarti
Musique : PJ Harvey
Habillage sonore : Christophe Séchet
Lumière, régie générale : Damien Klein
Photographie : François-Louis Athénas

Du 10 Octobre 2011 au 17 Janvier 2012
Lundi et mardi à 21h30

Essaïon Théâtre
6 Rue Pierre au Lard, Paris 4e
M° Hôtel de Ville, Rambuteau — Réservations 01 42 78 46 42
www.essaion-theatre.com

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