Critiques // Critique . Ce que j’appelle oubli de Laurent Mauvignier avec Denis Podalydès au Studio Théâtre.

Critique . Ce que j’appelle oubli de Laurent Mauvignier avec Denis Podalydès au Studio Théâtre.

Mai 13, 2013 | Aucun commentaire sur Critique . Ce que j’appelle oubli de Laurent Mauvignier avec Denis Podalydès au Studio Théâtre.

ƒƒ Critique Djalila Dechache

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Pourquoi faut-il que nous soyons horrifiés par l’horreur une fois qu’elle est commise ?

Pourquoi faut-il que l’horreur soit commise ? Ne suffirait-il pas que nous la repoussions de toutes nos forces, que nous  » reculions d’épouvante  » devant elle ? Hélas, non, ce n’est pas ainsi que l’être humain se débat avec ses démons, ses frayeurs, face à lui-même et face à l’immensité de sa bêtise. Et une fois commise cette incommensurable horreur coule dans les veines de ceux qui la commettent et pire encore elle est transmise comme une maladie, une malédiction à ceux qui suivent, à ceux qui restent.

«  Un homme ne doit pas mourir pour si peu « 

C’est ce que dit le procureur de cette affaire qui a fait l’objet d’un petit encadré en forme de rectangle  » comme un cercueil « dans la presse. Un homme ne doit pas mourir du tout par le fait d’un autre ou d’autres a-t-on envie de lui répondre.

Il est mort pour une canette de bière qu’il a prise dans les rangées d’un supermarché. Pour cela, des vigiles l’ont roué de coups.

Denis Podalydès est seul au centre de la scène, pieds nus, bras le long du corps, tout le temps, pantalon de costume, tee-shirt rouge col V à ras du cou, aucune émotion sur son calme visage, tout passe par les intonations discrètes puis ces intonations s’envolent dans la colère, la révolte, l’émotion, les flashes-back, la vie de cet homme qui défile avec les siens, toute la vie qui défile, mais pas seulement la vie au moment des faits, la vie dans son entièreté, naissance, enfance, adolescence , les parents, son frère, l’âge adulte et l’espoir, toujours l’espoir jusqu’au bout. Lorsqu’il s’avance sur nous à la toute fin, bras tendus, on a vraiment l’impression qu’il touche quelque chose de l’homme qui flotte au ralenti. C’est étourdissant.

Laurent Mauvignier se met dans la peau du personnage, et plus encore, dans son esprit, dans ses pensées, dans ses entrailles, tout y est dans le moindre détail de ce récit pas si imaginaire que des témoins feraient devant un tribunal. C’est un monologue polyphonique, magnifiquement rendu par le comédien, magnifiquement écrit par l’auteur qui non seulement décortique le mécanisme de la connerie humaine qu’elle soit collective ou individuelle mais donne vie à cet homme qui se voit mourir sans se défendre, comment le pourrait-il, ils sont quatre contre lui qui se servent de son corps « comme un sac à remplir de leurs défauts à eux. Ce sérieux, cette application avec laquelle ils font ça, pas de colère, juste un droit qu’ils se donnent et la force qu’ils y trouvent ». Si eux ne sont pas en colère qui doit l’être pendant que l’homme se vide ? La colère de l’inacceptable, la colère du refus, la colère de refuser que cet homme soit mort pour rien, parce que quatre imbéciles à la vie si minable, au comportement encore plus minable, avec leur corps de vigile ont décidé de le piétiner. « Lorsqu’il attaque en lâche un homme devrait baisser les yeux  » n’est ce pas ? Que  » la bouillie d’idées dans leur tête à la vue du cadavre » leur donne à réfléchir et à se poser sur les derniers mots de cet homme au visage défiguré de coups qui leur fait une dernière grâce :« pas maintenant, pas comme ça…. pas maintenant, pas comme ça ».

 

Ce que j’appelle oubli
De Laurent Mauvignier
Mis en espace et interprété par Denis Podalydès
Avec la complicité de Stéphanie Daniel à la Lumière

Jusqu’au 19 mai 2013 – 18h30

Studio-Théâtre
Galerie du Carrousel du Louvre
Place de la Pyramide inversée
99 rue de Rivoli, Paris 1
Métro : Palais-Royal Musée du Louvre
Réservation : 01 44 58 98 58

www.comedie-francaise.fr

 

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