ƒƒƒ Critique Suzanne Teibi

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Dans le cadre du festival Etrange Cargo, Vincent Thomasset revisite Arsenic and Old Lace (Arsenic et vieilles dentelles en français), le petit bijou de Frank Capra, lui-même adapté d’une pièce de théâtre homonyme de Joseph Kesselring, jouée à Broadway peu de temps avant et qui s’appelait initialement Bodies in Our Celar.

Dans cette comédie des années 40, deux charmantes vieilles tantes empoisonnent des hommes en toute bonne foi et les enterrent dignement dans leur cave, avec tous les égards qu’ils méritent. Mais un soir, un enterrement est perturbé par toute une série d’évènements, impliquant leurs trois neveux – l’un se prend pour le Président Roosevelt, l’autre est un meurtrier en série, sosie de Frankenstein, affublé d’un docteur et complice, et le dernier, qui semble sain d’esprit, se révèle rapidement contaminé par la folie environnante – deux agents de police, un juge, un directeur d’asile, un chauffeur de taxi et une jeune mariée.

Bodies in the Cellar prend le parti de respecter scrupuleusement la partition du film : les éléments dramaturgiques, les archétypes des personnages, des répliques exactes, le jeu expressionniste du neveu Mortimer (initialement joué par Cary Grant) devenu Lorenzo Mezzo (ici joué par Lorenzo De Angelis).

Ainsi, Thomasset restitue tout l’humour de Capra, en le déplaçant complètement : on ne rit plus de la froideur des vieilles meurtrières, des rebondissements multiples, de la folie ambiante et sans fond, mais bien de la manière dont les comédiens s’emparent au plateau de ce film, et construisent une nouvelle folie sans fond.

Le public assiste à une véritable performance menée par des comédiens inventifs et très généreux qui jouent littéralement sur les limites techniques d’une telle entreprise, et les dépassent avec brio. Ainsi, c’est le théâtre même qui est mis en question.

Le doublage a un rôle central dans cette proposition. Un comédien double au micro la quasi totalité du personnage de Lorenzo, et en accentue son jeu expressionniste.

Comment représenter l’inquiétant Johnny, meurtrier disparu depuis vingt ans pour le plus grand soulagement de toute la famille ? Ici, la différence de statut de Johnny est rendue par son absence physique. Il reste sa voix, prise en charge par le comédien qui double au micro.

En plus de jouer sur l’absence des personnages, Thomasset choisit ici de s’engouffrer dans ce dispositif, pour réinventer du jeu : les comédiens jouent avec la voix, la bande sonore, le doublage, les accents de tous ordres, et passent d’une langue à l’autre – anglais, français, ou traduction en mot à mot, qui engendre des déplacements de sens, et, du coup, un humour déroutant.

Le dispositif est limpide et épuré : des marqueurs au sol, un plateau dépouillé, une sonnette, le coffre dans lequel on cache les cadavres.

Bodies in the Cellar met réellement en question les possibilités du théâtre.

Ce projet ose, et c’est très jouissif pour le public qui doit s’inventer une nouvelle histoire s’il n’a pas vu le film de Capra. Pour les spectateurs qui ont le film en tête, Bodies in the Cellar agit en surimpression et en décalage très captivant. Qui donne envie d’aller revoir le film.

Bodies in the Cellar
Du mardi 12 au samedi 16 mars 2013 à 20h30

Conception, réalisation, partition : Vincent Thomasset
Collaboration artistique : Ilanit Illouz
Son : Gérard D’Elia
Lumière : Claire Gondrexon
Scénographie : Camille Muret-Lilti
Costumes : Angèle Micaux, Olivier Mulin
Interprétation : Jonathan Capdevielle, Lorenzo De Angelis, Michèle Gurtner, Grégory Guilbert, Vincent Thomasset

Ménagerie de verre
12/14, rue Léchevin – 75011 Paris
Métro Parmentier, Saint-Ambroise
Réservations : 01 43 38 33 44
www.menagerie-de-verre.org

Au Festival Ardanthé au Théâtre de Vanves.  Le Festival accueillera mercredi 17 avril 2013 à 21h la création de Vincent Thomasset Bodies in the cellar présentée à la Ménagerie de verre pour Etrange Cargo.

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