Critique de Camille Hazard
Une Antigone aux multiples visages
Déjà programmée l’année dernière, la Cie Eltho reprend sa résidence au Centre culturel Jean-Houdremont pour de nouvelles représentations d’Antigone.
Plus qu’une mise en scène fidèle au texte de Sophocle, la metteuse en scène Elise Chatauret choisit de raconter l’histoire de l’auteur, entourée de comédiens professionnels et d’autres en voie de professionnalisation et qui travaillaient déjà avec elle lors d’ateliers de théâtre au lycée.
Elise Chatauret prend beaucoup de risques en imposant une scénographie impeccable, quoique froide et rigide, des costumes savamment étudiés, aux allures rock-antique, l’utilisation de voix off, de musique live…Autant d’éléments artistiques qui devraient servir et mettre en lumière, la pièce et surtout le jeu des comédiens.
C’est pourtant l’inverse qui se passe ; les comédiens paraissent noyés, perdus dans ce décor et ses intentions de mise en scène, trop lourdes pour leurs épaules.
De sang froid
Visuellement impressionnant, le décor présente la cité de Thèbes, vidée de son peuple (maints rangs de chaises vacantes) et formée de lignes droites, d’angles obtus, géométriques ; le tout baigné dans une ambiance froide et électrique. Le noir et blanc s’invitent dans un palais déjà sans vie.
On s’attend alors à ce que les personnages déversent leur propre vie, leur lutte, leur conviction, leur engagement…Mais seul le comédien Jean-Christophe Folly, semble impliquer son corps et sa voix dans son jeu, on retrouve la dangerosité, l’obstination tenace, la brutalité du personnage du roi Créon.
Il faut dire que la volonté d’un jeu quasi statique, du début à la fin de la pièce, n’aide pas les comédiens à puiser leur énergie dans quelque mouvement ou déplacement sur la scène pourtant spacieuse du théâtre. Les corps figés récitent uniformément un texte.
La sincérité des acteurs n’est pas remise en cause, mais le jeu n’est pas assez soutenu ni déployé pour le théâtre. Leur immobilité passive finit par nous faire décrocher du spectacle.
Saluons la participation du guitariste Marc Sens qui, par des phrases musicales, des sons, des textures qu’il provoque avec son instrument sur scène, accompagne le public et les acteurs dans une tension.
Cette vision d’Antigone pluriethnique, très prometteuse, semble à regret manquer de chair. Les acteurs professionnels ou non n’ont certainement pas été l’armature première du travail d’Elise Chatauret. Ils semblent même emmurés dans une mise en scène, certes intéressante, mais trop ambitieuse dans laquelle, la parole si présente n’est pas en vie. Les trouvailles scéniques, visuelles, textuelles, ponctuent le spectacle mais n’amènent en aucun cas, la dimension mythologique de l’œuvre de Sophocle.
Antigone
De Sophocle
Mise en scène Elise Chatauret
Traduction Irène Bonnaud et Malika Hammou
Scénographie Natacha Leguen
Créations lumières Marie-Hélène Pinon et Lucie Jolliot
Création costumes Isabelle Pasquier
Son Rodolphe Leroux
Administration, production Marie Ben Bachir
Communication Romain Batteux
Avec : Niffay Abdou Makadiri, Hélène Avice, Casey, Laila Moueddine, Jean-Christophe Folly, Aziza Meleas Ouali, Anis Rhali, Marc Sens, Sonia Tendron.
Par la Compagnie ElthoDu 28 au 30 novembre 2012 (tous les jours à 20h30)
Centre culturel Jean-Houdremont
111, Avenue du Général Leclerc – 93120
Réservation : 01 49 92 61 61 / resacentreculturel@ville-la-courneuve.fr
Métro La Courneuve 8 mai 1945 puis tramway T1, arrêt Six-Routes / RER B La Courneuve-Aubervilliers
www.elthocompagnie.com