Critiques // Critique ・ « My Fair Lady », mise en scène Robert Carsen, au Théâtre du Châtelet

Critique ・ « My Fair Lady », mise en scène Robert Carsen, au Théâtre du Châtelet

Déc 17, 2013 | Aucun commentaire sur Critique ・ « My Fair Lady », mise en scène Robert Carsen, au Théâtre du Châtelet

Critique May Lee

My fair lady

© Marie-Noëlle Robert

The rich stay healthy, the sick stay poor

L’histoire est connue. Une jeune femme issue d’un milieu on ne peut plus populaire bouscule dans la rue un linguiste féru de diction. L’homme est capable d’identifier l’origine géographique et sociale de quiconque veut bien prononcer devant lui une phrases. Redoutable traceur de classe sociale, il décèle à travers le langage ce que d’aucuns préfèreraient garder secret. Lorsqu’Eliza Doolittle, qui vend des fleurs dans la rue pour survivre, se heurte à lui ce jour-là, Higgins l’accuse d’être une braillarde inculte et se targue de pouvoir faire d’elle une duchesse. La condition est formelle : elle devra se plier à la discipline très stricte de ses leçons. Eliza le prend au mot et entre donc dans sa maison à plein temps, porteuse d’un rêve ultime : entrer à la Cour et se faire passer pour une duchesse. La route est longue pour effacer ses origines, et Higgins est sévère, pour ne pas dire cruel. Sa dureté est parfois tempérée par le colonel Pickering, qui s’intéresse à l’expérience qu’Higgins mène sur Eliza. Car il s’agit bien d’une expérience ayant pour but, non de donner accès à Eliza à une vie meilleure, mais d’affirmer le pouvoir d’Higgins en démontrant ses théories. C’est là qu’une série de questions émerge…

Une pièce réactionnaire livrée telle quelle

On peut s’interroger sur l’intérêt de monter cette pièce d’une manière « historique », sans la passer au filtre d’un regard contemporain. En effet, la mise en scène très traditionnelle – reconstitution minutieuse de l’aristocratie anglaise et de ses codes – laisse perplexe. Le sujet regorge de propos à faire frémir, sans que jamais un parti ne soit pris quant à leur portée. A moins que cette absence ne constitue en soi un choix de mise en scène, le spectateur est invité à tenir pour de joyeuses évidences des idées qui peuvent, à tout le moins, faire froncer les sourcils. Le père d’Eliza par exemple, qui vient taper des sous à sa fille pour aller se saouler et fait régulièrement l’apologie de la malhonnêteté et du mensonge. Mais en chantant, c’est sûrement moins grave. Higgins, le machiste, l’as du dressage, qui menace Eliza de la frapper si elle désobéit. Qui préfère se faire arracher une dent ou se livrer à l’Inquisition plutôt que de laisser entrer une femme dans sa vie. Doolittle et Higgins parlant d’échanger Eliza contre de l’argent, faisant d’elle un simple objet de commerce. L’évidence même qu’une vie de pauvre ne vaut pas la peine d’être vécue, qu’il faut maquiller ses origines pour devenir quelqu’un de valable. Le traitement de la misère dans la pièce : ici, les pauvres rêvent de vacances au soleil mais ils dansent dans le froid, c’est donc sûrement moins grave. Le dénouement même, qui porte une femme amoureuse à revenir vers un homme qui ne l’aurait jamais aimée pour ce qu’elle est, est sensé être une « fin heureuse ». Sans doute pour Higgins qui a trouvé en Eliza un animal de compagnie docile. Mais de quel monde nous parle donc My Fair Lady ?

My Fair Lady
Mise en scène : Robert Carsen
Décors : Tim Hatley
Costumes : Anthony Powell
Chorégraphie : Lynne Page
Lumières : Adam Silverman
Dramaturgie : Ian Burton
Musique : Frederick Loewe
Livret et paroles :  Alan Jay Lerner
Orchestration : Robert Russell Bennett, Philip J. Lang
Direction musicale : Jayce Ogren / Orchestre Pasdeloup
Avec :
Eliza Doolittle : Katherine Manley
Eliza Doolittle les 8-15-19-22 & 29/12 : Christine Arand
Henry Higgins : Alex Jennings
Colonel Pickering : Nicholas Le Prevost
Alfred P. Doolittle (jusqu’au 28/12 incl.) : Donald Maxwell
Alfred P. Doolittle (du 29/12 au 01/01/14) : Phillip Joll
Mrs. Higgins : Caroline Blakiston
Freddy Eynsford-Hill : Ed Lyon
Mrs. Pearce : Lee Delong
Du 5 décembre 3013 au 1er janvier 2014
Théâtre du Châtelet
http://chatelet-theatre.com

 

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