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Critique ・ « Les fausses confidences » de Marivaux, Théâtre de l’Odéon

Jan 27, 2014 | Aucun commentaire sur Critique ・ « Les fausses confidences » de Marivaux, Théâtre de l’Odéon

ƒƒƒ Critique Camille Hazard

 

LES FAUSSES CONFIDENCES (Luc BONDY) 2014

©Pascal Victor

Luc Bondy signe une mise en scène des Fausses confidences magistrale, pleine de poésie et d’humour, bordée par le grand amour. 

L’intrigue est simple et pourrait se résumer à cela ; Mr Dubois cherche à se faire aimer d’Araminte, maitresse de maison plus fortunée que lui. Pourtant, comme dans ses autres pièces, Marivaux passe par des tours et détours pour arriver au dénouement, rien n’est simple, rien n’est jamais acquis pour de bon et il faudra maintes et maintes affaires pour que Dubois se fasse aimer d’Araminte (à moins que ce ne soit l’inverse…)

« On dit souvent que Marivaux est un artiste du langage, du sous registre, il est aussi le maître des silences. Les Fausses confidences parle de ce que l’on dit, de ce que l’on ne dit pas, de ce que l’on dit à la place d’autre chose. » Luc Bondy

Marivaux exploite le langage et ses possibilités jusqu’à nous perdre à la frontière entre le réel et l’illusion. Ses personnages avancent à tâtons et passent d’un état de contrôle de soi à un total lâcher prise. Le glissement de Dubois pour l’attrait financier et le réel amour pour cette femme est imperceptible et on ne peut affirmer clairement quand ce revirement intervient. Les échanges, les stratagèmes avancent comme sur un grand échiquier pour que finalement les règles du jeu soient changées.

Une des nombreuses qualités de la mise en scène est d’avoir donné de l’épaisseur à tous les personnages avec la même exigence, la même rigueur. Le couple Isabelle Huppert – Louis Garrel est empli de poésie, portant déjà les contours du romantisme mais à aucun moment, leur jeu ne masque ni n’interrompt la partition des autres personnages. Une grande écoute et une complicité se fait sentir sur le plateau et provoque la délicieuse impression que ces comédiens jouent ensemble depuis des lustres.

Le jeu d’Isabelle Huppert est éclatant, L. Bondy a lui aussi fait appel à son éventail de jeu infini. Cette femme du monde autoritaire, cache une femme soumise à sa mère, prête parfois à se briser, cache une femme qui hésite, qui se cherche, qui manipule autant qu’elle est dupe de sa naïveté… Isabelle Huppert incarne Araminte par touches impressionnistes jusqu’à lui donner une épaisseur marquante. Et quelle beauté de voir parfois sa silhouette presque enfantine, s’inviter dans les débats amoureux… car, et si tout cela n’était qu’un jeu d’enfant qui apprend à dire non ?

Louis Garrel tout en retenue, puise sa force dans ces petits moments de césure dans lesquelles  il s’emporte. Dans un faux calme bouillonnant, ses angoisses transparaissent dans un jeu extrêmement contrôlé. Jean-Damien Barbain dans le rôle d’Arlequin est prodigieux, évident. Enfin, tous les personnages sont taillés avec la plus grande précision.

Dans cette mise en scène, Luc Bondy n’a pas tenté, comme peuvent souvent le faire certains metteurs en scène « reconnus », d’ajouter des éléments alambiqués, des extrapolations philosophiques, il n’a pas imbriqué des « idées » de mise en scène, faisant fi de Marivaux pour mettre en lumière son propre travail. Non, Luc Bondy sert admirablement l’auteur, sa langue avec des touches de poésie de lazzis, d’intimité, de drame et de farce.

La fin de la pièce est de toute beauté lorsque s’élève une musique jazzie, de cabaret. Dubois est jonché sur le sol, Araminte abandonnée sur une commode comme si le plaisir avait déjà été consommé, comme si l’aveu réciproque de cet amour les avait déjà presque tué.

Les fausses confidences
De Marivaux
Mise en scène Luc Bondy
Conseiller artistique Geoffrey Layton
Conseiller dramaturgique Jean Jourdheuil
Assistant à la mise en scène Jean-Romain Vesperini
Souffleuse Nikolitsa Angelakopoulou
Décor Johannes Schütz
Costumes Moidele Bickel
Lumières Dominique Bruguière
Musique originale Martin Schütz
Maquillages et coiffures Cécile Kretschmar

Avec Isabelle Huppert, Jean-Damien Barbin, Manon Combes, Louis Garrel, Yves Jacques, Sylvain Levitte, Jean-Pierre Malo, Bulle Ogier, Bernard Verley et Georges Fatna, Arnaud Mattlinger

Jusqu’au 23 mars 2014
Tous les jours à 20h00, le dimanche à 15h00, relâche le lundi

Théâtre de l’Odéon
Place de l’Odéon – 75006 Paris
M° Odéon
Réservations 01 44 85 40 40
www.theatre-odeon.eu

 

 

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