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Critique ・ « Le Tourbillon de l’Amour », mise en scène de Daisuke Miura, Maison de la Culture du Japon

Déc 07, 2013 | Aucun commentaire sur Critique ・ « Le Tourbillon de l’Amour », mise en scène de Daisuke Miura, Maison de la Culture du Japon

ƒƒ Critique Denis Sanglard

Tourbillon (c) Kyoko Kinoshita

© Kyoko Kinoshita

Ne nous fions pas au titre, d’amour il n’en est guère question 

Dans un club privé où se pratique l’échangisme, huit jeunes cinq heures durant – c’est le temps qui leur est imparti – vont baiser. Ils sont venus pour ça. Ne nous fions pas au titre, d’amour il n’en est guère question. Il s’agit de sexe. Les propos échangés n’ont guère d’importance. Ils sont d’une grande banalité, inaudibles parfois. Seul compte le désir. Celui de satisfaire une frustration toujours insatisfaite. Les corps circulent, se rapprochent, disparaissent, jouissent, reviennent. Et recommencent. Terrible comédie humaine,  d’une rare violence où l’homme se révèle, mis à nu dans tous les sens du terme, fragile et poignant, cru et cruel. Il semble n’y avoir aucun jugement, aucun point de vue, aucune morale…

Daisuke Miura, le metteur en scène, signe une mise en scène hyper réaliste, quasi documentaire. Sauf qu’il s’agit bien de fiction et de théâtre. C’est une mise en scène en creux où, à l’image de l’acte sexuel, rien de ce qui importe se voit. Ce qui se joue n’est pas dans le dialogue mais dans le silence qui soudain s’abat, dans les corps qui hésitent, flanchent ou se lâchent. Certes on voit crûment des corps qui s’ébattent, qui hurlent leur plaisir. Mais l’intelligence de Daisuke Miura est de donner à voir en toute logique ce que l’on attend, ce qui est annoncé et de placer ainsi l’obscène hors champs, dans le regard du spectateur devenu ainsi voyeur. Les faits sont bruts, nous les réinventons. Nous les déplaçons dans un hors scène qui renvoie à notre expérience, notre propre jugement. Daisuke Miura botte ainsi en touche avec beaucoup d’intelligence  et d’humour.

Au-delà de la représentation du sexe au théâtre c’est aussi un questionnement sur notre société et son rapport avec la sexualité. Ce huis clos est d’une cruauté dont le titre témoigne. « Le Tourbillon de l’Amour » n’est qu’un faux semblant, une ironie amère. La violence des rapports domine dans cette contrainte échangiste où les rapports entre individus  ne se délestent que difficilement des carcans de la société. L’espace de quelques heures règne l’illusion d’une sexualité libérée du poids sociétal. Or Daisuke Miura souligne avec subtilité et cruauté combien l’orgasme renvoie l’individu à sa condition et, plus terrible encore, à sa solitude. Les êtres se révèlent tiraillés entre leurs désirs, leurs appétences profondes et leurs conditions sociales, sources de frustration. Le propos est rude, la proposition dramaturgique crue. La performance des comédiens est stupéfiante qui, complices impudiques du metteur en scène,  vont au bout des propositions aussi radicales… Post coïtum animal triste. Avant aussi…

Le Tourbillon de l’Amour
Texte et mise en scène de Daisuke Miura
Du 5 au 7 décembre 2013.
5 et 6 décembre à 20h. 7 décembre à 16h
Avec Ryotaro Yonemura, Ysuke Furusawa, Ryo Iwase, Hideaki Washio, Tetsu Hirahara, Takeshi Sakakibara, Runa Endo, Megumi Nitta
Décors Toshie Tanaka
Lumière Takashi Ito
Son Yoshihiro Nakamura
Surtitrage Aya Soejima, Philippe Achermann
Coréalisation Maison de la culture du Japon à Paris; Festival d’Automne à Paris

Maison de la Culture du Japon à Paris
101 quai Branly 75015 Paris
Réservation  01 44 37 95 95
www.mcjp.fr

Festival d’Automne à Paris
Réservation 01 53 45 17 17
www.festival-automne.com

 

 

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