Critiques // Critique ・ « Constellation», Alonzo King Lines Ballet, Théâtre National de Chaillot

Critique ・ « Constellation», Alonzo King Lines Ballet, Théâtre National de Chaillot

Déc 15, 2013 | Aucun commentaire sur Critique ・ « Constellation», Alonzo King Lines Ballet, Théâtre National de Chaillot

ƒƒƒ critique May Lee

 C_AlonzoKing_ RJ Muna

© AlonzoKing RJ Muna

L’état de grâce

Avant même le mouvement, la voix. Elle s’élève d’une robe lie de vin, portée avec grâce et profondeur par la mezzo-soprano Maya Lahyani. Et à l’instant où son chant s’élève, on sait que ce spectacle s’adresse à l’âme. Tout nous y ramène, les musiques choisies, les partitions dansées, l’air est imprégné de spiritualité. Il n’est pas question d’histoire ici, cette petite histoire à laquelle nous sommes ligotés au jour le jour. Tout ici, mouvement, voix et lumières, nous parlent d’un au-delà de la profondeur, d’une beauté aux confins de la beauté. Dans une alternance de clairs et d’obscurs, les danseurs sculptent l’espace autour d’eux, leurs corps pareils à des plumes effilées. Ils semblent ne pas connaître la gravité, pirouettes plus aériennes que la vapeur même, bras dessinant dans les airs d’incessantes volutes. Rien ne semble pouvoir s’opposer à l’envol de ces danseurs, tout en eux évoque la force de vie et la grâce.

Ils jouent avec de petites balles de lumière clairsemées sur l’espace de la scène, les ramassent comme des planètes-jouets, se les partagent, les font filer le long de leurs corps, s’éclairent mutuellement. Ici, chaque danseur se fait planète, affirmant sa révolution singulière au-delà de toute anecdote, dans un élan de limpidité. Les notes égrenées au piano, si ténues, si seules, nous renvoient à l’immensité de l’espace, à l’infiniment grand que nous portons en nous. La déflagration intérieure se produit. Alonzo Kin plonge dans une profondeur douce et vitale, où la beauté parle plus haut que toute autre chose.

Les airs de Strauss, Haendel et Vivaldi, portés par une voix sublimement reliée à la verticale du monde, viennent faire pleurer en nous tout ce qui ne prend pas le temps de regarder, de ressentir, de vivre cette vie cachée sous la surface. La musique nous porte à l’aube de nous-même, pour que nous puissions renaître à la beauté pure et sans artifice. Les danseurs s’envolent en une infinité de pirouettes, technique classique parfaite et grâce si ancrée qu’elle en devient impersonnelle, comme un reflet de la Grâce. Des ombres d’oiseaux en plein vol s’éparpillent sur les murs, doubles volatiles des danseurs, un piano à queue suit ou précède chaque mouvement ébauché, au plus près, comme un frère attentif. Des guirlandes de lumière descendent des cintres, enveloppent un danseur comme un sapin de noël vivant, difractent en petites boules qui zèbrent l’espace de lumière, des vents stellaires soufflent, un violon insiste pour verser une larme, des hommes dansent en duo, un couple dit son étreinte en silence, une longue supplique résonne dans l’espace cosmique, des pirouettes fusent, le cœur palpite. L’âme du monde est vivante.

Constellation
Alonzo King Lines Ballet
Chorégraphie Alonzo King
Décor Jim Campbell
Musique Georg Friedrich Haendel, Antonio Vivaldi, Johann Strauss, Sathot, Arvo Pärt
Compositions musicales originales Ben Juodvalkis, Leslie Stuck
Mezzo-soprano Maya Lahyani
Pianiste Hadley McCarroll
Lumières Axel Morgenthaler
Costumes Robert Rosenwasser, Colleen Quen
Lumières Axel Morgenthaler
Costumes Robert Rosenwasser, Colleen Quen
Avec les danseurs de la compagnie

Jusqu’  au 14 décembre 2013,
Théâtre National de Chaillot
1, Place du Trocadéro Paris 16
Métro : Trocadéro
Réservation : 01 53 65 30 00
http://theatre-chaillot.fr

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