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Critique • « Une année sans été » de Catherine Anne, mise en scène de Joël Pommerat

Avr 10, 2014 | Commentaires fermés sur Critique • « Une année sans été » de Catherine Anne, mise en scène de Joël Pommerat

ƒƒƒ critique de Denis Sanglard

Une année sans été@Elizabeth Carecchio ok© Elizabeth Carecchio

Pour la première fois, Joël Pommerat travaille sur un texte autre que le sien. Une année sans été, de Catherine Anne, est également l’occasion pour lui d’accompagner de jeunes comédiens. Le choix de ce texte, inspiré de la vie et l’œuvre de Rilke – celui des Lettres à un jeune poète – n’est sans doute pas un hasard – il parle de vocation, d’apprentissage et de jeunesse. D’arrachement aussi. Celui qui vous libère malgré la souffrance. C’est une pièce sur ce passage délicat vers l’âge adulte qui soudain vous révèle à vous-même, révèle vos aspirations les plus profondes, détermine ou non votre avenir. Si Gérard se révèle enfin écrivain, Anna découvre que non, sans doute, cela n’est pas sa vocation à elle. C’est une pièce sur la perte, le deuil, sur l’amour aussi, ce qui est un peu la même chose…

Joël Pommerat signe une mise en scène délicate et feutrée, crépusculaire. Une mise en scène qui prend son temps, d’une très belle fluidité. Il n’y a rien qui fasse obstacle entre les comédiens et le texte. Le son, ce léger écho assourdi des voix, donne une profondeur, une impression de proximité, d’intimité. Mais surtout, cette patte extraordinaire que l’on retrouve à chaque fois et qui est un enchantement, ces lumières d’Eric Soyer qui participent de la scénographie. Des lumières assourdies en contraste avec celles qui semblent venir de l’extérieur, bien plus vives et qui éclaboussent le regard comme une ligne de fuite possible. Il y a comme un appel constant à sortir des lieux confinés dans lesquels les personnages évoluent. Ce n’est que la nuit, propre aux illusions, que sort Gérard accompagné d’Auguste. Et quand il partira enfin, c’est en pleine lumière qu’il voyagera et deviendra écrivain. Avant de revenir, en juillet 1914. Joël Pommerat inscrit le destin de ces personnages dans  des espaces clos, étouffants de vide. Auxquels on se heurte, que l’on essaie de fuir mais dans lesquels on revient se réfugier. Ou comme Louisette et mademoiselle Point, on ne quitte pas parce qu’on ne peut ou n’ose. Ce qui donne ainsi un poids réel à l’arrachement de ceux qui choisissent de partir. Il n’y a qu’Anna qui traverse ces  lieux sans s’arrêter, à peine s’y pose-t-elle. Ces lieux, Joël Pommerat les inscrit dans les corps des personnages. Entre la souplesse vive d’Anna et la rigidité butée de Louisette… Mais ce qui frappe c’est le côté crépusculaire. Nous sommes à la veille de la grande guerre de 1914 et c’est comme si le destin de ses personnages était d’emblée fragilisé sans qu’ils en aient conscience. C’est cette fragilité des choses que nous ressentons profondément et que la mise en scène exsude. Fragilité des choses et des êtres dans ce passage délicat vers l’âge adulte, à l’heure des choix. Il y a comme une mise en regard entre ces destins individuels et une époque qui allait être bouleversée par la guerre.

Une année sans été
De Catherine Anne
Mise en scène de Joël Pommerat
Avec : Carole Labouze, Franck Laisné, Laure Lefort, Rodolphe Martin, Garance Rivoal
Scénographie et lumières : Eric Soyer
Costumes et accessoires : Isabelle Deffin
Musique : Antonin Leymarie
Son : François Leymarie
Dramaturgie : Marion Boudier
Collaboration artistique : Saadia Bentaïb, Philippe Carbonneaux, Marie Piemontese

Odéon-Théâtre de l’Europe
Berthier/Petite salle

Du 4 avril au 4 mai 2014

Réservations 01 44 85 40 40
www.theatre-odeon.eu

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