Critiques // Critique • Torquato Tasso de Goethe, mise en scène de Guillaume Delaveau, au Théâtre des Amandiers

Critique • Torquato Tasso de Goethe, mise en scène de Guillaume Delaveau, au Théâtre des Amandiers

Avr 05, 2013 | Aucun commentaire sur Critique • Torquato Tasso de Goethe, mise en scène de Guillaume Delaveau, au Théâtre des Amandiers

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© André Muller

Une intention louable aux allures pertinentes

À lire les propos de Guillaume Delaveau, on s’enthousiasme déjà pour ce beau projet : dans la nouvelle traduction lyriquement désuète de Bruno Bayen, le metteur en scène cherche à questionner les liens délicats entre les arts et la politique. Après Joseph Roulin et Prométhée, c’est la figure de l’auteur de La Jérusalem délivrée qui vient clore le triptyque.

En 1570, Le Tasse est accueilli par le Duc de Ferrare. Loué pour son génie poétique, l’artiste est, dans le même temps, marginalisé, incompris par une cour qui voit d’un mauvais œil ses excès enflammés. Finalement, abandonné à la folie, Tasso dénonce le système de mécénat qui pervertit l’artiste en le privant de sa liberté d’expression, son bien le plus précieux.

Goethe écrit cette pièce en cinq actes à l’époque cruciale du tournant de sa vie. Devant choisir entre l’attrait sublimement destructeur du génie poétique et la raisonnable mesure, unique voie vers la gloire et la reconnaissance, le poète de Weimar enterre sa part d’ombre. Torquato Tasso est donc la forme dramatique de l’épitaphe consacrée au poète sacrifié sur l’autel des compromis. Déchirement pathétique mettant à jour la dualité qui isole et qui blesse, le sujet nous plonge dans des préoccupations atemporelles, universelles et brûlantes d’actualité.

« Un dieu m’a donné de dire ce que je souffre ! »

Dans une scénographie accusant toutes les nuances de rose et jouant avec les vives virgules de pelouse verte qui tapissent le sol, les comédiens se déplacent maladroitement, comme engoncés dans un projet qui les dépasse. Faux et le corps emprisonné par un jeu où l’artifice prime, ils tentent de nous faire entendre un texte poétique magnifique, certes, mais complexe. Nous tournant souvent le dos ou se cachant derrière un pan de mur amovible, ils semblent s’excuser eux-mêmes, par de petits sourires gênés, du désagrément qu’ils nous causent.

 « La patience est tout ce qu’il me reste… » nous dit Tasso au seuil de sa folie. Et le subtilement hermétique collage d’aphorismes délicatement philosophiques prend un relief nouveau. « …l’ennui peut être mortel ». Chaque phrase prononcée par le poète égaré fait écho à la souffrance du spectateur, pris en otage par de bien narcissiques réjouissances.

Il n’y a rien à voir dans ce spectacle. Mais tout à entendre ? Mais alors, que n’ont-ils créé une pièce radiophonique ? Tout blesse visuellement : les costumes, maladroitement japonisants, le décor, pas bucolique pour deux sous, les corps. Les corps surtout. L’absence d’incarnation qui transpire de ces corps à la vaine gesticulation ne permet pas au texte d’arriver jusqu’à nous et, ce qui aurait dû être un hommage aux mots goethéens, devient un long moment de torture théâtrale.

 

Torquato Tasso
De Johann Wolfgang von Goethe
Traduction : Bruno Bayen
Mise en scène : Guillaume Delaveau
Assistante : Charlotte Bucharles
Costumes : Nathalie Prats
Régie générale : Yann Argenté
Régie plateau : Vincent Rousselle
Régie lumière : Didier Peucelle
Avec : Maxime Dambrin, Ivan Hérisson, Régis Laroche, Océane Mozas, Violaine Schwartz et Vincent Rousselle

Salle Transformable
Durée : 2h20 sans entracte

Théâtre des Amandiers
7 av. Pablo-Picasso
92022 Nanterre Cedex
Tél : 01.46.14.70.00
www.nanterre-amandiers.com

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