ƒ critique Anna Grahm

« Je ne suis pas intelligente mais je la ramène » Top Girl

Marlène est une jeune femme déterminée qui n’a pas sa langue dans sa poche. C’est une de ces battantes, célibattantes, qui ne rêve que de s’émanciper. Marlène, dans son tailleur à épaulettes des années 80, trinque à sa nouvelle promotion. Elle vient enfin de décrocher un poste de direction. Viennent se joindre à la fête des femmes venues de la ronde des temps qui, dans une cacophonie soûlante, vont raconter la condition de la femme à travers les siècles. À ce banquet emprunté à celui de la Cène, Marlène boit, écoute, questionne, rêvasse. Marlène boit, déclare soutenir Reagan, déteste les blagues vulgaires et les « we are all sisters ».

© DR

Marlène a un sérieux penchant pour l’alcool, se projette et aspire à « être libre dans un monde libre ». Dans ce joyeux tourbillon d’expériences mêlées, des figures historiques et fictives racontent le prix à payer pour être une femme autonome. Et, pour chacune d’elle, c’est toujours la problématique de la maternité qui les empêchera d’être des hommes comme les autres.

Née à Londres en 1938, Caryl Churchill se préoccupe des mutations qui affectent la Grande-Bretagne d’après-guerre. Avec Top girls, elle brosse un monde sans concession où le pouvoir des femmes reste dérisoire pour celles qui viennent du prolétariat. À l’aube du Thatchérisme, les mines commencent à fermer, le pays se restructure pour s’orienter vers la finance, et le destin de trois femmes bascule.

L’auteure s’amuse à bouleverser les temporalités et prête à son héroïne une conscience sociale et politique que sa sœur Joyce refusera obstinément d’adopter. Marlène, en pleine transformation, a pris son avenir en main et, pour briser les chaines de la fatalité, va tourner le dos à son passé. Mais ce qui lui brise le cœur, elle ne veut plus en parler. Mais ce modèle de la vieille Angleterre dont elle se débarrasse n’est pas sans conséquence… Sous le poids de son armure, façonnée de brutalités et d’humiliations, cette femme forte deviendra pathétique.

Le décor mouvant est astucieux, le jeu des actrices pourrait être plus exigeant, moins brouillon. Ce spectacle, loin de faire l’éloge d’un féminisme flamboyant, met en exergue un individualisme dur et orgueilleux et prétend que si la société n’est là que pour les forts, l’individu, qu’il soit homme ou femme, deviendra un spectre terrifiant.

Top Girls
De Caryl Churchill
Mise en scène de Aurélie Van Den Daele
Avec Julie André, jeanne Arènes, Aurore Erguy, Sol Espeche, Julie Lelagadec, Marie Quiquempois

Au théâtre de l’Atalante
10 Place Charles Dullin
Paris 18e

Du 20 septembre au 6 octobre 2013
Lundi, mercredi vendredi à 20h30 – Jeudi et samedi à 19h
Dimanche à 17h – relâche le mardiLocation 01 46 06 11 90
www.theatre-latalante.com

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