Critiques // Critique • Roméo et Juliette par la Compagnie des Mille Chandelles à la Tour Vagabonde

Critique • Roméo et Juliette par la Compagnie des Mille Chandelles à la Tour Vagabonde

Avr 17, 2013 | Aucun commentaire sur Critique • Roméo et Juliette par la Compagnie des Mille Chandelles à la Tour Vagabonde

ƒƒƒ Critique Dominika Waszkiewicz

Un écrin renfermant un trésor insoupçonné

Lorsque l’on entre en ce lieu extraordinaire, la première chose qui nous touche, doucement, comme une caresse, c’est le parfum du bois. Puis les grincements montent, légers craquements des poutres qui travaillent. Le temps s’envole et le grondement des voitures devient murmure, lointain, négligeable. On se sent bien dans la Tour Vagabonde, hors du présent, loin de Paris, rêve fou de recréer un théâtre élisabéthain et d’y jouer du Shakespeare ! Après diverses pérégrinations, la Tour est de passage dans la capitale, tout à côté du pont Marie. Elle héberge la compagnie des Mille Chandelles qui nous propose un Roméo et Juliette époustouflant.

Sur une scène minuscule, fidèlement aux proportions originelles, déambulent, s’apostrophent, se battent ou s’embrassent plus de vingt personnages. Sans temps mort et avec brio, la tragique histoire des amants de Vérone nous est livrée, brute, vraie, si proche. Les comédiens occupent les trois niveaux offerts par la verticalité de l’architecture et voltigent littéralement au-dessus de nos têtes. Tout peut arriver de tant de fougue. La jeunesse véronaise déborde de sève, agressivité d’un côté, sensualité de l’autre. C’est les « dog days »… Et point de temps à perdre en mièvrerie excessive ou en languissant lyrisme. Non, Juliette n’est pas pimbêche ! Derrière le lisse masque de sa beauté, se révèle une incarnation malicieuse et presque enfantine qui nous rappelle bien que la petite Capulet (Anne-Solenne Hatte) n’avait pas 14 ans…

la_tour_vagabonde

© Clément Belleudy

Une pirouette scénographique et la fontaine ornée d’un crâne (vanitas vanitatum, omnia vanitas) devient la tête du lit des nouveaux époux. Un décor minimaliste, quelques accessoires et d’élégants costumes (pourquoi XIXème ?) suffisent au voyage dans le temps. Les échos, bouche fermée et en chœur, des plaintes ultimes de Didon et le poids de la fatalité se dessine autour du destin des jeunes amoureux… deux planches, un drap blanc et voilà Juliette parée pour sa dernière demeure.

Un renouvellement de Roméo et Juliette ? What for ?

Baptiste Belleudy et sa compagnie nous montrent que tout est déjà là, sublime et drôle, tragique, humain et vrai. Dehors, écho du monde, un merle chante. Les rumeurs nocturnes de la ville pénètrent le refuge. Réel et théâtre s’imbriquent magiquement.

Le cadeau de l’échange malgré les imprévus

20h sonnent et la pièce devrait bientôt débuter quand, soudain, un bruit sourd et des cris s’élèvent. Une poutre présente des signes de faiblesse. Les gens attendent. Certains, crétins, trouvent l’hystérie de bon ton. Mais, Jean-Luc Giller (Montaigu) s’avance et nous rassure : il est un des concepteurs de la Tour. Il ne nous demande que quelques instants de patience. En effet, 20h20, tout rentre dans l’ordre. Le prologue introduit la tragédie dans la si naturelle traduction de Jean Sarment.

Les scènes s’enchaînent, à vive allure : Benvolio (brillant Stéphane Peyran) transpire la sympathie, Mercutio (inépuisable Paul Gorostidi) vole sur les ailes de Mab, on trouve Roméo (Baptiste Belleudy) un brin pâlot… quand, de nouveau, des murmures affleurent d’un coin du parterre. Les comédiens s’immobilisent et certains descendent aider le spectateur victime d’un malaise… avant de reprendre, courageusement, leur place sur la place de Vérone.

Ces petites aventures, si anecdotiques soient-elles, ne font que confirmer ce que les moments théâtraux nous disaient déjà : nous sommes en présence d’une troupe professionnelle de qualité.

Finalement, dans cette soirée, tout fut authentique et on ressort, ravi, des chandelles plein les yeux.
 

Roméo et Juliette
De Shakespeare
Mise en scène : Baptiste Belleudy
Avec : Géraldine Azouelos, Baptiste Belleudy, Jonathan Bizet, Axel Blind, Gaspard Caens, Raphëlle Cambray, Laurent Evuort, Sylvy Ferru, Clémence Fougea, Thomas Gauthier, Jean-Luc Gillier, Paul Gorostidi, Anne-Solenne Hatte, Robin Laporte, Bernard Métraux, Sylvain Mossot, Françoise Muxel, Stéphane Peyran, Dominic Rouvillé, Frederico Santacroce, Jean-Laurent Silvi, Louis Yerli
Chœurs et arrangements : Rémy Hermitant
Décors : Pierre Pernois et Louis Yerli
Costumes : Nathalie Giustiniani et Ségolène Bonnet
Chorégraphie : Véronique Campion
Lumières et percussions : Robin Laporte et Frederico Santacroce
Tour Vagabonde (administration et conception): Jean-Luc Gillier et Louis Yerli

Durée : 3h40 avec entracte
A partir du 20 mars 2013 et, espérons-le, jusqu’à fin juin
Du mardi au samedi à 20h – samedi et dimanche à 15h

Cité Internationale des Arts
18, rue de l’Hôtel de Ville

75004 Paris
Métro Pont-Marie ou Saint-Paul
Tél. : 07 78 52 52 27

lesmillechandelles.com
tourvagabonde.com

 

Be Sociable, Share!

Répondre

You must be Logged in to post comment.