ƒ Critique Dominika Waszkiewicz

© F. Beloncle

L’inquiétante étrangeté d’un songe éveillé

Le nouveau directeur du Centre Dramatique National de Sartrouville, Sylvain Maurice, nous propose une adaptation scénique du déstabilisant chef d’œuvre de Kafka. Œuvre emblématique de l’aube du siècle dernier, La Métamorphose est le récit d’une curieuse transformation subie par Gregor Samsa. Sans raison apparente, ce commis voyageur se réveille un matin sous les traits d’un insecte. La présence nouvelle de cet inquiétant mandibulate dégoûte jusqu’à ses propres parents. Rejeté par tous, l’orthoptère désespéré se laisse finalement mourir dans la plus impitoyable des indifférences. Référence à la difficulté des rapports familiaux et affirmation du non-sens de la vie, le livre de 1915 n’a jamais cessé de nourrir les imaginaires.

Loin de s’attacher à la narration, Sylvain Maurice tente, dans cette très libre adaptation, de nous faire goûter le mystérieux réalisme de l’absurde qui baigne la nouvelle. À l’aide de caméras, il nous dévoile le point de vue de Gregor. Les projections vidéo, pertinemment déformées, présentent ainsi une vision bien peu flatteuse d’une famille monstrueuse, cruelle et détraquée.

En outre, et grâce aux sublimes soins d’Éric Soyer, la scénographie nous peint un cadre disproportionné digne du plus sombre des cauchemars : sur un plateau tournant, les pans anthracite semblent se refermer autour de l’immense armoire où se cache le blattidé. Labyrinthe mouvant dans lequel le Minotaure n’est pas celui que l’on croit. Tourbillon infernal dont la spirale est soulignée par la boucle finale : « Il est 7h moins le quart passé… »

Est-ce que tout cela n’aura été qu’un rêve ?

Une pièce tronquée, incomplète

Malgré une indéniable maîtrise du jeu et de l’espace, le spectateur se réveille un peu désappointé, presque déçu. Il semble qu’à trop soigner l’atmosphère, l’on ait oublié de nous raconter des histoires… Les images sont belles mais elles ne parviennent pas à marquer profondément la mémoire, faute de liant, faute de temps. Les séquences s’enchaînent et n’impriment que faiblement leurs traces sur les esprits. Les personnages défilent sans attacher suffisamment notre attention.

En revanche, on entend bien les bruits sourds et les déglutitions envahissantes. L’ambiance sonore, digne d’un film d’horreur de Ridley Scott, étouffe un jeu subtil sous ses opaques couches d’un fantastique un peu trop évident. Alors oui, on sursaute parfois mais pas pour les bonnes raisons. Au lieu du mythe kafkaïen espéré (et promis), on reçoit les lourdes effluves d’un suspens facile et inopportun.

Quel dommage, avec de tels outils, de nous livrer un résultat si irrégulier. Une question s’impose : y avait-il nécessité de monter ce spectacle ?

Métamorphose
Très librement inspiré de la nouvelle de Franz Kafka
Adaptation et mise en scène : Sylvain Maurice
Avec : Nadine Berland, Marc Berman, Emilie Bobillot, Arnault Lecarpentier, Philippe Rodriguez-Jorda
Assistant et collaboration mise en scène : Nicolas Laurent
Scénographie : Eric Soyer
Lumière : Yann Loric assisté de Camille Mauplot
Costumes : Marie La Rocca
Vidéo : Renaud Rubiano assisté de Lois Drouglazet
Son : François Leymarie assité de Jean de Almeida
Masques et maquillage : Elise Kobisch-Miana
Conseiller pour la musique : Manuel Peskine
Les décors et les costumes ont été réalisés par les ateliers du TNS

Durée : 1h15
Jusqu’au 30 mars à Sartrouville à 21h

le 5 avril au Théâtre Jean Arp – Scène conventionnée de Clamart
le 18 avril à La Passerelle, Saint‐Brieuc
le 30 avril à Scènes du Jura, Dole

Théâtre de Sartrouville
Place Jacques Brel
RER A  (navette aller-retour)
Réservations : 01 30 86 77 79
http://www.theatre-sartrouville.com/cdn/

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