ƒ critique Dominika Waszkiewicz

© Paul Koudounaris

Le Théâtre des Amandiers de Nanterre accueille, en cette ouverture de saison, l’équipe du TNT et sa version de la « pièce écossaise ». Laurent Pelly nous offre ici une vision sombre et minimaliste de la déplorable folie du pouvoir. Refusant les codes fantastiques du recours au surnaturel, il propose des images fortes imbriquant projection mentale et réalisme.

La quête du pouvoir, une farce dérisoire

Au sein d’un dédale mouvant de murs en parpaings, les personnages semblent raides et guindés. Silhouettes sombres et intemporelles perdues dans un cauchemar angoissant en camaïeu de gris, ils ressemblent à des pantins sur ressorts, marchant en cadence. Grâce à une scénographie où l’ombre semble régner sur ces destinées perdues, nous sommes plongés au cœur des ténèbres, dans le maelstrom des passions humaines les moins avouables. Les repères, un peu à la manière des créations trompeuses de M.C. Escher, sont annihilés et l’espace devient un lieu dangereux et incertain, représentation mentale du héros éponyme.

Ainsi, Macbeth (le très convainquant Thierry Hancisse de la Comédie-Française), perché sur sa chaise disproportionnée soulignant encore sa vanité ridicule et son impuissance, devient tour à tour le maître du labyrinthe et sa victime. Monstrueux Minotaure ou homme faible grisé par l’irrésistible courant d’un tourbillon incontrôlable, il nous entraîne dans l’entonnoir sanglant de son intarissable désir de pouvoir.

© Paul Koudounaris

C’est beau ! Trop beau ?

Indubitablement, les images sont belles et la simplicité des moyens mis en œuvre favorise une mise en valeur du texte, si distinctement donné par les comédiens.

Hélas, l’enchaînement syncopé des scènes, entrecoupées par de longs noirs sonores permettant le déplacement des murs gris, altère passablement l’attention et favorise un doux décrochage qui s’accentue de manière exponentielle. Et la musique, très illustrative, d’Aline Loustalot ne permet pas, malgré son volume excessif, de nous maintenir en alerte. Finalement, malgré la minutie et la justesse du jeu, l’intrigue semble figée, immobilisée dans un carcan trop esthétisant. Les trouvailles dramaturgiques et scéniques sont indéniables (superbe trio de sorcières androgynes) mais l’ensemble manque de chair, à l’image d’une Lady Macbeth (Marie-Sophie Ferdane) dont la beauté et la grâce laissent de marbre.

Macbeth
De William Shakespeare
Texte français: Jean-Michel Déprats
Mise en scène, scénographie et costumes: Laurent Pelly
Avec : Pierre Aussedat, Emmanuel Daumas, Rémi Gibier, Thierry Hancisse de la Comédie-Française, Benjamin Hubert, Marie-Sophie Ferdane, Eddy Letexier, Régis Lux, Laurent Meininger, Ronan Rivière, Fabienne Rocaboy, Jean-Benoît Terral, Damien Vigouroux
Lumières : Michel Le Borgne
Son : Aline Loustalot
Assistante à la mise en scène : Sabrina Ahmed
Assistant scénographie : Alexis Bertrand
Maquillage : Suzanne Pisteur
Accessoires : Jean-Pierre Belin

Jusqu’au 13 octobre 2013
Du mardi au samedi à 20h, le jeudi à 19h30 et le dimanche à 15h30
Durée : 3h20 avec entracte

Théâtre des Amandiers
7 av. Pablo-Picasso 92022 Nanterre Cedex
Tél : 01.46.14.70.00
RER Nanterre-Préfecture (ligne A)
www.nanterre-amandiers.com

Spectacle créé le 29 février 2012 au TNT
Texte publié aux éditions Gallimard, collection Bibliothèque de La Pléiade, 2002.

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