Critiques // Critique • « L’île des esclaves » mise en scène de Benjamin Jungers au Studio-Théâtre

Critique • « L’île des esclaves » mise en scène de Benjamin Jungers au Studio-Théâtre

Mar 07, 2014 | Aucun commentaire sur Critique • « L’île des esclaves » mise en scène de Benjamin Jungers au Studio-Théâtre

ƒƒƒ critique de Bruno Deslot

-visuel_île_esclaves_JPG-

© Cosimo Mirco Magliocca

La tendance inversée !

La pièce de Marivaux est une belle utopie donnant une leçon de vie à tous ceux qui abusent de leur position et le sujet est toujours d’actualité ! Pour sa première mise en scène, Benjamin Jungers, pensionnaire de grand talent, s’empare de cette comédie courte avec style et habileté.

La scène du Studio-Théâtre se prête idéalement à ce huis clos dans lequel les personnages de L’île des esclaves se retrouvent bien malgré eux. Une table à jardin drapée d’une étoffe épaisse, rappelant l’embarquement dont se sont échoués Iphicrate et Arlequin, tout comme Euphrosine et Cléanthis, épouse habilement une partie de la scène. À cour, des tissus évoquant ceux d’une chaloupe, habillent avec beaucoup d’élégance, l’avant-scène et parachèvent un décor très esthétique et surtout suggestif. Les deux pans de murs à l’arrière de la scène permettent de faire refléter une lumière s’intensifiant au fil des scènes et des tensions entre les personnages. Benjamin Jungers s’est entouré de jeunes talents qui, tant pour la scénographie, les costumes, la lumière ou la musique mettent en valeur la proposition du jeune pensionnaire pour une pièce qui n’a rien de bien révolutionnaire.

Dans sa pièce, la plus courte mais sans doute la plus dense, Marivaux attaque de plein fouet la question de l’utopie en plaçant Iphicrate, petit maître, et Euphrosine, coquette, accompagnés respectivement d’Arlequin et Cléanthis, sur une île utopique, gouvernée par des esclaves fugitifs. Il y règne une organisation particulière : tous les maîtres qui débarquent sont réduits en esclavage et les esclaves affranchis. Les épreuves sont administrées par Trivelin (magnifique et talentueux Nâzim Boudjenah), un insulaire, tantôt maître du jeu, tantôt spectateur de ce qu’infligent les nouveaux maîtres à leur ancien maître : critiques, humiliations, portraits, caricatures…

Benjamin Jungers a su trouver le rythme parfait et la tonalité idéale pour faire entendre la langue ciselée de l’auteur mais aussi la dimension tragi-comique de la pièce. De main de maître, il réussit à gérer les tensions entre les personnages, l’inversion des rôles, les excès des uns et des autres en alternant la dimension violente et comique du texte. C’est une belle direction d’acteur malgré une distribution inégale. Benjamin Jungers ne cherche pas à amplifier les choses, bien au contraire, avec élégance et intelligence, il est dans l’oxymore permanent. Celui des costumes, de cette fameuse île, de cette dualité entre les personnages grecs et italiens… Le texte nous parvient simplement avec toute sa force et sa puissance littéraire. En cela, le jeune metteur en scène réussit une petite révolution.

 

L’île des esclaves
De  Marivaux
Mise en scène : Benjamin Jungers
Assistante à la mise en scène : Nelly Pulicani
Costumes : Bernadette Villard
Scénographie : Lisa Navarro
Lumières : Pascal Noël
Musique : Denis Chouillet
Avec : Catherine Sauval, Stéphane Varupenne, Nâzim Boudjenah, Jérémy Lopez, Jennifer Decker

Jusqu’ au 13 avril 2014

Studio-Théâtre
Galerie du Carrousel du Louvre
Place de la Pyramide inversée
99 rue de Rivoli
75001 Paris
Métro : Palais royal
Réservation : 01 44 58 98 58
www.comedie-francaise.fr  

Be Sociable, Share!

Répondre

You must be Logged in to post comment.