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Critique • Les Mystères de Paris au Théâtre de l’Ouest Parisien

Oct 22, 2012 | Aucun commentaire sur Critique • Les Mystères de Paris au Théâtre de l’Ouest Parisien

Critique de Dominika Waszkiewicz

Vertigineuse somme d’un roman-fleuve

Roman feuilleton publié dans « Le Journal des Débats » entre 1842 et 1843, Les Mystères de Paris est l’œuvre-fleuve qui a permis à Eugène Sue d’atteindre la reconnaissance à laquelle il aspirait tant. Des milliers de Français suivent les péripéties rocambolesques de Rodolphe, grand-duc de Gerolstein, infiltré au cœur de la fange des bas-fonds parisiens. Le lecteur rencontre ainsi des personnages hauts en couleurs et à la gouaille débordante : la Chourineur, la Chouette, le Maître d’école, la Louve, Rigolette ou encore la Goualeuse.

Bref, plus de mille pages nous livrent les rebondissements qui amèneront finalement d’assez attendues mais éphémères retrouvailles… Cependant, il ne s’agit pas ici de déflorer le dénouement. Aussi prévisible soit-il !

Donc, à l’origine, on a un pavé, un monument littéraire indéniablement, mais peu digeste et dont le sens de l’action et du suspense semble un peu dépassé de nos jours et masque difficilement les incohérences narratives et l’obsolète dimension morale.

Alors, pourquoi avoir choisi d’adapter ce monstre rigide aux diaprures passées ? Il aurait mieux fallu piocher du côté d’un Féval, plus subtil parfois, et plus prolixe encore que Sue !

Un manteau d’Arlequin tissé dans un vain Tohu-Bohu

Pari risqué, en effet, que de vouloir monter ce texte. Pari risqué et inutile.

Nous entrons dans la salle. Les comédiens déambulent déjà sur scène et nous regardent prendre place dans une atmosphère saturée de la fumée des fumigènes. Certains paraissent réciter leur texte, d’autres échangent quelques mots. Un décor plutôt laid encadre leurs mouvements aléatoires : quelques gros tuyaux d’aluminium barbouillés du vermillon d’une peinture antirouille ponctuent le bric-à-brac tendant à restituer le climat angoissant du contexte.

« Nous sommes le 13 décembre 1838, il pleut, il fait froid… »

La narratrice, « madame Loyal », alias Marie Frémont, dresse le tableau de la scène liminaire. Elle en profite pour nous présenter la suite des réjouissances : « les genres s’affronteront ». Ce qui peut aussi s’entendre comme l’annonce d’un fourre-tout à venir… Et nous ne serons pas déçus !

Les intrigues s’enchaînent et se mêlent en un imbroglio dramatique pas toujours intéressant mais permettant parfois de beaux moments. Par exemple, l’abbé Polidori (Romain Francisco) est délicieusement gothique dans sa première apparition. Ses gestes d’une théâtralité assumée ont l’air de nous mener sur la piste de la parodie… Mais quelle déception de voir, quelques minutes plus tard, le truculent William Mesguich (jouant, évidemment, Rodolphe) proposant une interprétation sans recul et tellement vieux jeu que l’enthousiasme, allumé par l’idée du pastiche mélodramatique, retombe.

Un carnaval scénique qui nous laisse de marbre

« Dommage qu’elle soit si mauvaise, ça étourdit bien ». À voir les comédiens s’agiter, on les envie : on s’ennuie ! Où est « le sale, le sombre, le sang » promis par Charlotte Escamez dans sa note d’écriture. Tout est attendu et conservateur, on se sent un peu comme face à un tableau pompier qui aurait perdu de son kitsch charmant. Le ridicule nous effleure les zygomatiques, sans vraiment nous faire sourire.

L’adaptation reste maladroite et, à force de vouloir tout dire, tout montrer, le spectacle nous livre un discours incompréhensible, miroir opaque ne reflétant pas plus les affres du XIXe siècle que les secrets de notre époque.

Ajoutons à cela des imprécisions techniques, textuelles et vocales, des comédiens mal éclairés et nous aurons une idée de ce qui ressemble, finalement, à la fraîcheur d’une troupe de théâtre amateur.

Conséquemment, nulle nécessité de courir voir cette pièce.

Les Mystères de Paris
D’après Eugene Sue
Adaptation : Charlotte Escamez
Mise en scène : William Mesguich
Assistante à la mise en scène : Charlotte Escamez
Décors et accessoires : Anne Lezervant
Costumes : Alice Touvet
Lumières : Matthieu Coutaillier
Son : Vincent Hulot
Maquillage : Eva Bouillaut
Avec : Jacques Courtes, Zazie Delem, Romain Francisco, Marie Fremont, Sterenn Guirriec, Julie Laufenbuchler, William Mesguich
Du 19 au 23 Octobre 2012
Théâtre de l’Ouest Parisien
1 place Bernard Palissy
92100 Boulogne-Billancourt
Tél : 01 46 03 60 44
www.top-bb.fr
Métro ligne 10 station Boulogne-Pont de Saint-Cloud

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