Critiques // Critique • Le Misanthrope de Molière et mis en scène par Jean-François Sivadier

Critique • Le Misanthrope de Molière et mis en scène par Jean-François Sivadier

Avr 13, 2013 | Aucun commentaire sur Critique • Le Misanthrope de Molière et mis en scène par Jean-François Sivadier

ƒƒ Critique Dominika Waszkiewicz

Le Misanthrope

© Brigitte Enguerand

Encore un Misanthrope ?
Castigat ridendo mores… On considère souvent le personnage d’Alceste comme révélateur, par son intransigeance, de la duplicité de son entourage corrompu aux plis hypocrites de la Cour, de la société en somme. Taciturne, sincère et farouchement opposé à l’étiquette mondaine qui dénature le langage, il critique ouvertement cette peste qu’est pour lui la flatterie. Mais, comment expliquer son amour pour Célimène, coquette et mondaine que l’Atrabilaire voudrait corriger, remettre dans le droit chemin (c’est-à-dire son chemin, celui qui éloigne du monde et des hommes) ? Cette comédie de 1666 nous peint la complexité humaine au travers de la primauté de l’amour propre : chacun lutte pour son intérêt personnel et, peu importe les moyens, pourvu qu’on ait la fin…
Le public, beaucoup de collégiens et de lycéens, s’installe sous les regards tranquilles de Nicolas Bouchaud (Alceste) et Vincent Guédon (Philinte), assis dans le lointain, coulisses apparentes. Puis, sans cérémonie aucune, Vincent Guédon s’avance et nous accueille par un prologue somme toute banal, s’il n’était en alexandrins : éteindre les portables, etc. Il va jusqu’à serrer la main d’un spectateur et la première scène peut s’ouvrir. Mais point là de réel commencement. Les comédiens s’interpellent, subtile mise en abyme, sur ledit prologue, prétexte à introduire le sujet : le délicat mariage des conventions sociales et de la louable intégrité. Lutte incessante entre l’être et le paraître. Puis, Célimène est mentionnée, les lumières s’éteignent et laissent place à l’intrigue-parabole.

Quand la Cour devient théâtre et vice-versa
Outre la joie de retrouver la troupe frénétique de Sivadier, on est vite embarqué par un rythme effréné, entraîné par les alexandrins portés comme à bout de souffle. Les mots débordent des corps en mouvement, la parole devient oxygène, source de vie. Sous trois lustres résultant de l’assemblage de chaises scolaires de trois tailles différentes et agrémentées d’ampoules, les comédiens nous livrent un étonnant défilé comique. Nicolas Bouchaud, surtout, est époustouflant. On déplore un peu la présence un brin chétive et les alexandrins écorchés de Norah Krief (Célimène) que l’on aurait aimée plus prodigieuse (on n’oublie pas le malicieux lutin du Roi Lear).
Sur un tapis moiré de confettis mordorés, les images s’enchaînent, nous offrant tantôt un podium et ses feux de la rampe, tantôt un simple rideau blanc tendu sur un fil, tantôt de délicates pluies de bulles de savon ou de paillettes. Le décor semble organique, comme un grand bric-à-brac, une immense machine à jouer au service des comédiens qui ne se font pas prier ! Entre des tas de chaises et un char improvisé avec des tables et quelques roulettes, la mondanité du Grand Siècle devient le prétexte à une éperdue célébration du théâtre. Lully, les Clash, les perruques, Vivaldi, le gazouillis cristallin des fontaines et les vertugadins. Tout s’imbrique dans un grand tourbillon, un peu fouillis parfois, mais somme toute réjouissant.
Sur ce lit miroitant de feuilles mortes où s’agitent les personnages-comédiens, Sivadier joue une fois de plus avec les conventions théâtrales pour nous parler de notre monde.

Le Misanthrope
De Molière
Mise en scène de Jean-François Sivadier
Avec Cyril Bothorel, Nicolas Bouchaud, Stephen Butel, Vincent Guédon, Anne-Lise Heimburger, Norah Krief, Christophe Ratandra, Christelle Tual
Collaboration artistique Nicolas Bouchaud, Véronique Timsit
Décor Daniel Jeanneteau, Christian Tirole, Jean-François Sivadier
Lumière Philippe Berthomé assisté de Jean-Jacques Beaudouin
Costumes Virginie Gervaise
Régie générale Dominique Brillault
Assistante mise en scène Véronique Timsit

Durée 2h40 sans entracte

Du 10 au 12 avril à Sartrouville
Puis, Comédie de Valence du 17 au 19 avril
Lille, Théâtre du Nord du 29 avril au 9 mai
Brest, Le Quartz du 14 au 16 mai
Paris, Théâtre de l’Odéon du 22 mai au 29 juin

Théâtre de Sartrouville et des Yvelines, Centre Dramatique National
Place Jacques-Brel
78500 Sartrouville
Tél : 01 30 86 77 79
www.theatre-sartrouville.com

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