critique Dashiell Donello

© Anne Gayan

Le mardi à Utzbach, c’est le jour du boudin.

Bruscon, comédien d’État, arrive avec sa troupe familiale à Utzbach, « le trou du cul du monde », pour jouer sa pièce La Roue de l’histoire. Mais est-ce un lieu de théâtre, une auberge, ou un abattoir où l’on tue le cochon ? On ne s’embarrasse pas, au fin fond de l’Autriche, de ces questions, un mardi, car le mardi c’est le jour du boudin. Mais on ne contrarie pas, si facilement, le grand faiseur de théâtre Bruscon. Le comédien d’État a ses exigences, elles doivent être appliquées à la lettre ! Du bouillon à l’omelette avant de jouer et le noir total à la fin de la représentation ! Le pompier (spécialisé au cerclage des fûts) est prévenu : si on ne coupe pas  les éclairages de secours, pas de représentation !

Le faiseur de théâtre est une pièce politique sur la vie et le théâtre, à travers la société autrichienne. Bruscon, alter-ego de Thomas Bernhard (1931-1989), éructe ses dégoûts sur la scène polyvalente d’un village acquis à la cause d’Hitler. Pas d’ambiguïté dans la phrase « vous êtes tous des Hitler », ni de doute sur l’allusion de ce que peut représenter la porcherie contiguë à l’auberge de ces « bons » Autrichiens.

BRUSCON : Si nous partons en tournée avais-je pensé, ce sera un processus de renouvellement du théâtre en quelque sorte.

Le faiseur de théâtre a besoin d’un propos de théâtre dans le théâtre pour ouvrir, peu à peu, le sens du discours bernhardien. La mise en scène doit avoir des objectifs précis et travailler à enlever le superflu pour atteindre la vérité de la pièce et la livrer au public. Or, il n’y a pas d’objectif. Ce que l’on voit sur la scène est agitation vaine ou bouffonnerie cabotine. Les acteurs eux-mêmes semblent gênés du grotesque de leur jeu. François Clavier (Bruscon), bien qu’il mouille le maillot, n’est pas convaincant dans ce rôle qui ne semble pas fait pour lui. Pas convaincante non plus, la mise en scène qui se montre bien trop ; et complique là où tout devrait être limpide. Le théâtre doit être un processus de renouvellement, nous dit Bernhard, et non un processus de clichés éculés. Hélas! Le rendu de ce  » Faiseur » n’est qu’un brouillon sans âme qui est encore loin de la densité que devrait avoir la pièce de Thomas Bernhard.

Le faiseur de théâtre de Thomas Bernhard
Du 27 mars au 12 avril
Mise en scène Julia Vidit
Scénographie Thibaut Fack
Lumière Nathalie Perrier
Son Bernard Valléry
Costumes Valérie Ranchoux
Masques Daniel Cendron
Maquillage Catherine Saint-Sever
Avec François Clavier, Claudia Calvier-Primus, Nolwenn Le Du, Aurélien La Bruyère, Etienne Guillot, Véronique Mangenot Erna, Amandine Audinot

Théâtre de l’Athénée Louis Jouvet
Square de l’Opéra Louis Jouvet
7 rue Boudreau Paris 75009
www.athenee-theatre.com
Réservations 01 53 05 1919
M° Opéra, Havre Caumartin et RER Auber

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