Critiques // Critique • « La Locandiera » de Goldoni au Théâtre de L’Atelier

Critique • « La Locandiera » de Goldoni au Théâtre de L’Atelier

Sep 10, 2013 | Aucun commentaire sur Critique • « La Locandiera » de Goldoni au Théâtre de L’Atelier

ƒƒƒ Critique Denis Sanglard LA LOCANDIERA (Marc PAQUIEN) 2013

© ARTCOMART

La Locandiera de Goldoni mise en scène par Marc Paquien ne peut que ravir les amateurs de théâtre classique. Directe, sans esbroufe, cette mise en scène va droit à l’essentiel et offre un cadre idéal à ses interprètes. Elle donne la part belle au texte et aux comédiens qui déploient avec un bonheur évident et communicatif toute l’étendue de leur talent. Marc Paquien se refuse à tout artifice et, sur un plateau quasi nu où ne trône que l’essentiel, une table, un paravent, quelques chaises, les corps circulent avec fluidité, rapidité, légèreté. C’est cette légèreté apparente qui, sans doute, définit le mieux cette mise en scène où les tableaux s’enchaînent sans heurt aucun et forment une trame serrée et dynamique. Une légèreté trompeuse, cependant, qui ne masque pas la gravité des propos sous le vernis de la comédie amoureuse. Qui veut aimer ne doit pas craindre de perdre sa liberté ou de s’affranchir de sa condition. Car il est beaucoup question de liberté dans cette pièce. Chacun défend la sienne mais tous sont soumis aux conventions de leur sexe et de leur condition. La prévention féroce du chevalier envers les femmes n’est que l’expression outrée des préjugés de son siècle. Mirandolina se joue de la misogynie exacerbée du chevalier qu’elle défie et, rouée, joue de ces à priori mais au risque de se perdre et de perdre son indépendance. Son mariage précipité avec Fabrizio, son valet, n’est qu’un compromis boiteux qui sauve certes son honneur mais restreint sa liberté. Sa victoire sur le chevalier, qu’elle n’aime pas, en devient amère.

Douce amertume

LA LOCANDIERA (Marc PAQUIEN) 2013Mirandolina, femme complexe et contradictoire, c’est Dominique Blanc. Qui déploie ici son immense talent. Elle est tout simplement époustouflante. Drôle, vive, alerte et grave, elle dessine un personnage tout en finesse et subtilité. Et d’une énergie folle. Elle révèle les contradictions, les ambiguïtés d’une femme moderne, lucide, mais soumise à sa condition, qui s’ébroue et se venge avec honneur des hommes et de leurs préjugés. Sans pour autant oser s’affranchir de sa condition. Une douce amertume sourd de son personnage qui fait glisser la comédie vers un entre-deux auquel on ne s’attend pas. Cette intelligence du texte et ce jeu finement nuancé révèlent un Goldoni que l’on a tendance parfois à oublier, fin observateur des mœurs de son temps… Face à elle, André Marcon, chevalier bourru et misogyne forcené qui sombre peu à peu dans les rets tendus de son hôtesse, est épatant. Drôle mais jamais ridicule même dans ses emportements, sincère dans ses débordements qui le voient abreuver les femmes des pires défauts, il n’est jamais dans la surenchère ou l’outrance. Et le voir tomber amoureux avec tant de colère est une situation cocasse qui reste d’une grande  justesse. Ces deux acteurs font des étincelles. Leur confrontation, leur duel, dans l’appartement du chevalier, donne lieu à quelque chose de rare, de grand. Une leçon de théâtre dans ce qu’il peut être, non de foire aux vanités ou d’égo mais de complicité et de bonheur partagé au service d‘un texte. Rien de démonstratif, d’illustratif, mais le plaisir du jeu tout simplement. Et quel jeu ! Portée par ses deux immenses acteurs, la distribution dans son ensemble est de haute tenue qui ne tombe jamais dans la caricature. Si ce n’est pas la mise en scène du siècle – Marc Paquien sans doute n’a pas cette prétention – c’est un moment de théâtre que l’on aurait tort de bouder. Il serait bien dommage de jouer les mauvais coucheurs dans cette auberge…

La Locandiera
De Carlo Goldoni
Traduction de Jean-Paul Manganard
Mise en scène de Marc Paquien
Avec Dominique Blanc, André Marcon, Anne Caillère, François de Brauer, Anne Durand, Gaël Kamilindi, Pierre-Henri Puente, Stanislas stanic
Décor Gérard Didier
Lumières Dominique Bruguière
Costumes Claire Risterucci
Perruques et maquillages Cécile Kretshmar
Son Xavier Jacquot
Assistante à la mise en scène Martine Spangaro

Du 6 septembre 2013 au 25 Janvier 2014
Du mardi au samedi à 20H. Matinée samedi à 16h

Théâtre de l’Atelier
1 place Charles Dullin 75018 Paris
Métro : Anvers
Location 01 46 06 49 24

www.theatre-atelier.com

 

 

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