Critiques // Critique • “Jerk” mise en scène Giselle Vienne au Théâtre de la Bastille

Critique • “Jerk” mise en scène Giselle Vienne au Théâtre de la Bastille

Nov 09, 2013 | Aucun commentaire sur Critique • “Jerk” mise en scène Giselle Vienne au Théâtre de la Bastille

ƒƒƒ critique Denis Sanglard

8-jerkdiap1

© Mathilde Darel

Sentimental Bourreau…

Glaçant ! Une création absolument stupéfiante, d’une grande intelligence, d’une poésie éclaboussée de sang et d’une cruauté infernale. Jerk, où la reconstitution fantasmée des crimes de Dean Corll, serial killer ayant tué plus d‘une vingtaine de garçons dans les années 70, racontée par un de ses complices, David Brooks. Histoire d’une chute libre en enfer de trois meurtriers, entre viols, tortures et meurtres. On reste saisi et tremblant devant cette création qui nous cueille à froid, d’emblée. La mise en scène de Gisèle Vienne est parfaitement juste et frappe au plexus, nous coupant le souffle. Un souffle qu’on peine à retrouver au sortir de cet enfer glacial. Comment représenter la sauvagerie, l’acte de tuer, la folie meurtrière la plus abjecte ? Comment représenter l’innommable sans tomber dans la provocation, le voyeurisme crasseux ? Gisèle Vienne très habilement et très simplement évite l‘écueil du grand guignol, de l’effet gore, même si rien, absolument rien, ne nous est épargné du cauchemar des victimes. Le récit, d’après une nouvelle de Dennis Cooper, est implacable qui avance de façon linéaire et tendu, s’enfonce dans la violence hallucinée la plus glauque. Des aveux sans grandiloquence, sans effet de style, d’une terrifiante simplicité.
David Brooks raconte son histoire, utilisant des marionnettes pour interpréter chacun des rôles. Idée terrible et juste, forcément juste. S’opère une distance qui permet le récit, rend audible l’horreur la plus noire. La représentation prend alors un tour inédit et parfaitement, malignement, ambigu. Il y a une étrange oscillation entre cette distance proprement surréaliste qu’apportent les marionnettes à gaine, extension du narrateur, et le réalisme cru de la narration. Le récit, comme sa représentation, sans être désincarnés sont ainsi théâtralisés, ce qui permet l’insoutenable et l’aveu… De façon incongrue, il nous arrive même de rire, un rire qui nous étouffe bien vite.
Renforcé de manière éclatante par l’interprétation du personnage de David Brooks. Le comédien-marionnettiste ne prend aucune distance. C’est un récit à froid au point même que l’on se demande avec inquiétude s’il joue réellement. Il semble hanté par son personnage. Imperceptiblement quelque chose en lui vrille doucement et prend son essor, éclate dans la seconde partie de cette création. Là, nous atteignons sans doute un sommet dans la représentation alors que nous pensions, à tord, être arrivés au terme du cauchemar. C’est tout simplement stupéfiant. Il serait dommage d’en dévoiler le contenu. Mais ce à quoi il nous est donné d’assister tient du miracle. Le corps de David Brooks, habité des voix de ses victimes, devenu à son tour leur marionnette, semble se dilater, imploser et devenir l’expression de la folie la plus sombre et la plus profonde. La présence, ô combien magnétique, de Jonathan Capdevielle à cet instant n’est pas sans rappeler la dernière image tout aussi terrifiante de Norman Bates  dans Psychose… Posé là, immobile et calme, la folie frémissante sous la glace, il semble avoir basculé irrémédiablement au-delà de la raison.

 

Jerk
D’après une nouvelle de Dennis Cooper
Conception et mise en scène Giselle Vienne
Créé en collaboration et interprété par Jonathan Capdevielle
Voix enregistrées Catherine Robbe-Grillet et Serge RamonLumière Patrick Riou
Musique originale  Peter Rehberg et El Mundo Frio dde Corrupted
Stylisme Stephen O’Malley et Jean-Luc Verna
Marionnettes  Gisèle Vienne et Rebecca Flores
Maquillage  Jean-Luc Verna et Rebecca Flores
Confection des costumes  Dorothéa Vienne Pollak, Marino Marchand et Babeth Martin
Formation à la ventriloquie  Michel Dejeneffe
Traduction du texte  Emmelene Landon
Dessins  Jean-Luc Verna, Courtesy Air de Paris
Régisseur Général  Arnaud Lavisse
 
6-7-8-11-12-13-16-17-18-21-22-23 novembre à 19h30 –
Dimanche 17 novembre à 17h
 
Théâtre de la Bastille
76 rue de la Roquette 75011 Paris
Métro : Bastille, Voltaire ou Bréguet Sabin
Réservation : 01 43 57 42 14

www.theatre-bastille.com

Be Sociable, Share!

Répondre

You must be Logged in to post comment.