Critique de Marie Surget

Pour cette 6ème édition du festival des mises-en-capsules au Ciné 13, cinq pièces ont ouvert le bal dressant une large palette d’auteurs tels que Jean-Philippe Noël, Nicolas Roux, Fabrice Melquiot, Serge Joncour ou encore Charif Ghattas pour commencer cette première soirée, le principe étant de presenter cinq pièces différentes par soir sur un nombre total de seize créations. Quelle riche expérience! Celle de pouvoir traverser des espaces, des metteurs en scènes, des comédiens dans des écritures si diverses…

Ce festival est un véritable rendez-vous de théâtre.
Ce sont trois semaines où les visions d’un monde, d’une société à travers le théâtre se confrontent, s’assument grâce à des metteurs en scène et des comédiens venus de plusieurs esthétiques, avec une expérience propre à chacun d’eux qu’ils nous transmettent et partagent avec générosité et humilité. Des comédiens engagés dans le sujet qu’ils défendent au milieu d’une scénographie parfois naturaliste ou simplement indicative d’un lieu, ce qui représente parfois un point positif car elle nous permet de nous concentrer sur les comédiens en jeu, leur voix, leur corps et les vibrations qu’ils émettent par la charge intérieure que le texte leur procure mais parfois un point négatif car il faut aussi savoir exploiter la magie de certains textes et personnages et un décor trop banal peut aussi desservir! Mais tout de même pour certaines créations notamment Autour de ma pierre de Fabrice Melquiot, on remarque une scénographie stylisée, entre onirique et complètement métaphorique avec une scène chargée de sacs plastiques blancs, comme une scène transformée en colline ou en nuage, (entre les deux!) un endroit mystérieux entre la vie et la mort appuyée par la présence d’un écran géant utilisé à rendre plus encore plus psychédélique une situation, vous allez voir, complètement apocalyptique !

Bien que l’on assiste à une diversité d’écritures et d’univers, cette succession de pièces laisse entrevoir un fil conducteur qui n’est pas moindre dans notre époque actuelle. Se présentent à nous, des personnages ancrés dans une société, dans un système qui les emporte dans son tourbillon infernal, des personnages en perpétuel rapport de force à l’autre; une société où l’individualisme prime laissant pourtant des hommes seuls, très seuls, tiraillés entre leur bonne et leur mauvaise conscience et ce dans des époques très espacées l’une de l’autre. En effet, on assiste par exemple à un véritable discours intérieur d’un homme en tant de guerre, faisant le ménage dans une pièce qu’on ne pourrait définir, simplement constituée d‘une table avec des produits ménagers dessus, comme pour laver les horreurs de son passé. Un discours ignoble et hypocrite d’un homme osant garder chez lui «　les derniers restes　» d’une famille qu’il cacha pour leur sauver la vie, sans trop tarder à vouloir sauver la sienne aussi et ressortir, lui, vivant de cette terrible époque « N’ayez Pas peur, je vais m‘occuper de vous »　 de Nicolas Roux. C’est encore l’histoire de deux patients dans une salle d’attente, qui attendent bien trop longtemps leur médecin « Salle d‘attente »de Serge Joncour; Pourquoi se laisser rencontrer un inconnu lorsqu’on peut exercer un rapport de force sur lui et ressortir gagnant de ce petit combat de coq! Ces deux exemples définissent parfaitement la thématique qui fut développée pendant cette soirée: à travers plusieurs formes d’expressions et de registres telles que le monologue, la comédie, le drame, la musique et le chant (parfois inclus dans « Autour de ma pierre »de Fabrice Melquiot , on y voit ici un nombre de possibilité conséquent pour parler de l’Homme au présent ou au passé, avec cynisme, avec sarcasme mais aussi avec compassion, «l’humanité est le fouillis le plus incroyable qui soit » Serge Joncour.
Ce sont des personnages qui s’interdisent de s’aimer eux ou les autres ou simplement de s’apprécier, de se rencontrer ou tout simplement de se voir. On préfère se rassurer en se disant être sain de corps et d’esprit en allant une fois par mois chez le médecin qui répétera indubitablement que tout va bien, ranger et nettoyer son appartement et plier correctement ses vêtements, «manger cinq fruits et légumes par jour» et avoir «des graines d’avoines plein les placards», être à la tête d’une multinationale même si c’est un échec complet plutôt que de trouver un véritable réconfort dans le rapport à l’autre, un rapport d’échange, d’amitié, d’amour. Voilà que l’on dresse un portrait bien tracé de ces personnages: l’Homme en souffrance, des humains voire des Dieux « Tu es le père » de Jean-Philippe Noël, à qui la vie a fait mal , des personnages qui subissent en croyant tout surmonter, c’est la grande dépression! (Pas pour rien peut-être que la tête d’affiche soit une gélule!) Voici un festival théâtral intelligent qui permet de se poser des questions tout en appréciant le merveilleux divertissement qu’est le théâtre.

Festival des mises-en-capsules :

N’ayez pas peur je vais m’occuper de vous
de Nicolas roux
Avec Salvatore Ingoglia
Mise en scène de Anouche Setbon
Lumières: Jean-Luc Chanonat
Son: Michel Winogradoff
Costumes: Emanuelle Pertus
Représentations le 31 mai à 20h30, le 4 et 14 juin à 19h45 et le 7 juin à 21h15 et le 11 juin à 19h

La salle d’attente
de Serge Joncour
Avec Henri Courseaux et Jean-Michel Tinivelli
Mise en scène de Thibault Ameline
Représentations le 31 mai à 21h15, le 4 juin à 19h, le 7 juin à 20h30, le 11 juin à 19h45 et le 14 juin à 21h15

Autour de ma pierre
de Fabrice Melquiot
Avec Patrick Palmero, Yvonnick Muller, Julien Leonelli, Aïda Asgharzadeh, Arnaud Dupont et Magali Genoud
Mise en scène de Franck Berthier
Création costume: Camille Perrier
Scénographie: Mathilda Calba
Création Lumière: Yann Gacquer
Création vidéo: Les castors Asthmatiques
Composition musicale: Fred Douret Raspail
Représentations le 4 juin à 21h15, le 7 juin à 19h, le 11 juin à 20h30 et le 14 juin à 19h

Tu es le père
de Jean-Philippe Noël
Avec Jean-Paul Bordes, Fabienne Chaudat, Matila, Malliarakis et François Sienner
Mise en scène de Simon Hubert
Assistant mise en scène: Amandine Raiteux
Représentations le 31 mai et le 7 juin à 19h45, le 4 juin à 20h30, le 11 juin à 21h15 et le 14 juin à 20h30

Dépendances
de Charif Ghattas
Mise en scène de Charif Ghattas
Avec Florent Chesné et Aurélien Rondeau
Représentations le 31 mai, le 4,7,11 et 14 juin à 22h

Représentations du 28 mai au 16 juin, du lundi au samedi à 19h
Théâtre Ciné 13
1, Avenue Junot
75018 Paris
Métro: abbesses ou Lamarck
Réservations au 01 42 54 15 12
www.cine13-theatre.com

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