Critique d’Anne-Marie Watelet

Deux heures de rire et de folie pure !

Dan Jemmett, metteur en scène britannique, s’amuse avec Shakespeare dont il est tombé amoureux à 12 ans. Il nous présente cette pièce de jeunesse jubilatoire aux accents de Comédie italienne.

« C’est Shakespeare qui me rend le plus de liberté. » Et de couper, d’ajouter, de s’amuser avec le texte du maître, réduisant le nombre de comédiens à la moitié pour encore plus d’astuces.

Et ça foisonne d’astuces dans cette intrigue en apparence simple. Un bon prétexte au comique de situation : une histoire de jumeaux. Un naufrage en Méditerranée a séparé 23 ans plus tôt deux couples de jumeaux  chacun portant le même nom. Deux riches Antipholus et deux modestes Dromio; deux maîtres et deux valets. Il y a aussi Adriana, la femme d’un Antipholus, Luce sa cuisinière, une religieuse, le père, riche marchand, et une  duchesse. Tout ce petit monde se retrouve à Ephèse, ville native du père, mais sans se reconnaître. Dans des situations pleines de quiproquos et de rebondissements, ils se cherchent, croient se trouver, se trouvent sans le savoir, éberlués devant tant d’invraisemblance.

La virtuosité des comédiens, alliée à l’efficace technique de mise en scène

© M. Del Curto

Décor et musique des années 80 : surprenant, mais ça marche ! Sono, bière coulant à flot; cabines WC métalliques savamment exploitées pour les entrées / sorties. L’énergie et la justesse des comédiens donne à voir et à entendre tous les excès de la farce. Mais nous devons être très attentif pour sentir la présence de Shakespeare : la langue tantôt élevée et poétique côtoie chez lui les envolées populaires, les incongruités rabelaisiennes, et à cela se mêle donc notre langage d’aujourd’hui. Les rôles masculins avec David Ayala, à qui l’embonpoint donne l’aisance du maître et qui néanmoins montre une agilité vive; Vincent Berger, dont l’élasticité corporelle et la ruse dans les yeux est le parfait valet du genre (par ailleurs il fait penser à Harpo-Marx). Rossé, il n’en tire pas moins ses épingles du jeu ! La structure de l’intrigue symétrique risquait d’être à la longue ennuyeuse, mais grâce à eux surtout, nous rions, et nous rions… Humour anglais of course ! Les comédiennes ne sont pas en reste. Maryse Poulhe soudain déguisée en Betty Boop, et bien en chair, soulève des vagues d’hilarité dans le public. Sa gestuelle est parfaite – une réserve pour sa voix qui a du mal à monter et s’éraille souvent. C’est un jeu de cache-cache démultiplié dans des situations de plus en plus cocasses. Le comique et l’humour, loin de subir quelque fléchissement, progresse vers un rythme endiablé (tous les tons, expressions, fusent, comme les verres de bière), et atteignent un point final surprenant d’inventivité, dans lequel le metteur en scène nous invite à une réflexion sur la théâtralité. L’ensemble est mené dans une grande complicité avec le public, parfois physiquement même et c’est très drôle ! Ce dernier, rempli d’enthousiasme, n’a pu qu’ovationner la troupe d’acteurs.

A travers ces prouesses de jeu et ces situations burlesques, Dan Jemmett a pris plaisir à nous faire observer nos petits ridicules de tous les jours dans les registres comiques et multiples. Ce n’est pas souvent que nous rions purement et simplement sans arrière-pensée ! Un vrai moment de thérapie jouissive.

La Comédie des erreurs
De Shakespeare
Mise en scène et adaptation Dan Jemmett
Avec David Ayala, Vincent Berger, Thierry Bosc, Valérie Crouzet (remplacée lors de ces représentations par Maryse Poulhe), Julie-Anne Roth
Traduction, assistante à la mise en scène Mériam Korichi
Scénographie Dick Burd
Lumière Arnaud Jung
Costumes Sylvie Martiniez
Régie générale Stéphane Sagon

Le 31 mai 0 19h 30
Les 1er et 2 juin à 21h

Théâtre de Sartrouville
Place Jacques Brel
RER A  (navette aller-retour)
01 30 86 77 79 www.theatre-sartrouville.com

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