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Critique • «Ana ou la jeune fille intelligente» de C. Benhamou, Festival Migractions au Théâtre de l’Opprimé

Mai 24, 2012 | Aucun commentaire sur Critique • «Ana ou la jeune fille intelligente» de C. Benhamou, Festival Migractions au Théâtre de l’Opprimé

Critique de Bruno Deslot

Dans analphabète il y a bête !

 Un road movie, un feedback, ou comment Ana, une femme trop tôt mariée à un homme qu’elle n’a pas choisi, refait le parcours mental de sa vie à la lumière du mot mariage.

 Dans le cadre du Festival Migractions, la Compagnie Le Regard du loup, présente Ana ou la jeune fille intelligente en situant la proposition dans une étape de travail, suite à une résidence au Théâtre de Gentilly. Cette présentation publique est donc l’occasion de mettre en perspective le rapport au langage qu’entretient Ana, une femme analphabète habitant en banlieue depuis 20 ans et fréquentant depuis peu un atelier d’écriture. Elle trouve toutes les combinaisons de mots que peut permettre de décliner « mariage » et s’en amuse tout en se remémorant les temps fort de sa vie. Enfant, elle grandit vite bien malgré elle. Ses parents lui ont choisi un mari voulant épouser une jeune fille intelligente. Mais l’est-elle vraiment ? Parcourant les cases d’un escargot dessiné à la craie sur le sol, elle joue avec le langage, un précieux allié. La dimension ludique est forte et domine la fable, certainement pour faire oublier une jeunesse dérobée. Ana est seule. Mariée, certes, mais livrée à elle-même, à ses souvenirs, à son obsession de voir la tour Eiffel. Projetés sur un écran en fond de scène, les mots l’accompagnent durant toute la route qu’elle parcourt avec douleur et réalisme. La simplicité du dialogue ajoute une note de candeur au personnage si fragile. La mère d’Ana apparaît comme en songe pour faire ressurgir un passé douloureux et plein d’amour à la fois. On pressent chez l’auteur un désir d’exprimer la complexité des rapports familiaux basés sur le non-dit, la pudeur symbolisée par cette semi-obscurité dans laquelle est plongée Ana dès lors qu’elle aborde des épisodes sensibles de sa vie. Enfant, elle est représentée par une marionnette qu’elle fait parler, tentant de faire écho et de mettre à distance (et non au sens brechtien du terme) une vie subie. Ana se rassure derrière les mots auxquels elle associe une idée, un événement, tissant ainsi le canevas de son histoire, scénarisant son nouveau rapport au langage. Le dispositif scénique est à l’image du propos, simple et efficace. Il atteint sa cible avec cette volonté, malgré tout, d’intégrer de la vidéo, l’utilisation d’un micro, et une voix-off ! Les vidéos permettent de projeter les mots que prononcent Ana comme des hologrammes. L’effet est intéressant mais est-il vraiment justifié ? L’utilisation du micro se révèle être totalement inutile ! La voix-off trouve sa place dans une proposition qui s’apparente à un conte moderne. Enfin, l’ensemble gagnerait en force moyennant quelques coupures de texte. On comprend vite la dimension obsessionnelle du personnage qui au bout d’une heure de spectacle devient vite répétitif, voire pesant.

Le spectacle est une découverte intéressante qui devrait murir avec le temps au fil des séances de travail menées durant les résidences.

 

 

Festival Migractions
Ana ou la jeune fille intelligente
De Catherine Benhamou
Mise en scène Ghislaine Beaudout
Avec Catherine Benhamou
Marionnettiste Natacha Stoyanova

Du 21 mai au 3 juin 2012

Théâtre de l’Opprimé
78/80 rue du Charolais – 75012 Paris
Métro Reuilly Diderot  – Dugommier- Montgallet
Réservations : 01 43 40 44 44
www.theatredelopprime.com

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