Critique de Solveig Deschamps

Elles sont cinq sur le plateau nu, dans un rectangle de lumière, cinq comédiennes qui vont dire les mots de Tchekhov, ceux-là qu’Isabelle Lafon a choisi de faire entendre, elles vont être immobiles, face à nous, en ligne comme les mots dans un livre, avançant d’un pas à chaque acte pour se laisser happer par un autre rectangle de lumière. Elles vont être les personnages, les didascalies, elles vont nous raconter l’histoire qui dé(unit) Nina, Treplev, Arkadina, Trigorine, Macha, Dorn et les autres. Une histoire d’amour, amour quand le cœur bat, amour du théâtre et des mots que les auteurs écrivent, amour qui détruit.

Crédits Fred Kihn

Livre ouvert

C’est un peu comme si Tchékhov avait laissé son manuscrit ouvert sur la scène et qu’il avait dit : « Et maintenant j’aimerais l’entendre ». On a beau connaître cette pièce, on a beau l’avoir vu jouée, on a beau se dire que ce n’est pas possible que ça puisse être comme c’est ce soir, on a beau… Voilà que l’on redécouvre, que nos oreilles entendent et que nos cœurs s’émeuvent. Isabelle Lafon fouille dans l’âme des personnages,  simplement. La pièce de Tchekhov reste la même, bien sûr mais les (en)jeux sont ailleurs, accrochés aux mots, aux voix de ces cinq comédiennes magnifiques mais aussi dans les interrogations sur le théâtre, sur la reconnaissance, sur le talent, sur l’amour et sur cette facilité que nous avons à être si seuls avec les autres, une façon différente d’entrer dans l’univers de Tchekhov.

« À chaque fois, l’urgence vitale de la parole. Intuitivement il me fallait montrer le moment où le théâtre peut surgir, embarquer »

I Lafon

On a envie de lui demander « Et maintenant que vous êtes si proche du texte, vous le montez quand ? » Sachant que c’est sans doute blessant une telle question et que l’enjeu de sa proposition n’est pas là et que c’est bien qu’elle nous ait donné à partager cette façon si particulière qu’elle a de faire surgir le théâtre. Mais alors pourquoi cette musique de chœurs russes qui clôt le spectacle (qui en a laissé plus d’un perplexe) ? N’ouvre t-elle pas à la possibilité d’une théâtralité plus conventionnelle… Peut –être que la représentation se jouait de l’autre côté du théâtre et que nous étions dans les coulisses, dans le mystère de la construction du personnage…

Isabelle Lafon a travaillé avec Daniel Mesguich, Thierry Bédart, Guy-Pierre Couleau, Chantal Morel… En 2009 elle était au Théâtre Paris-Villette pour sa mise en scène de Journal d’un autre.

Une mouette
D’après La Mouette d’Anton Tchekhov
Mise en scène d’Isabelle Lafon
Avec Johanna Korthals Altes, Norah Krief, Isabelle Lafon, Gilberte de Poncheville et Judith Perillat
Lumières Marion Hewlett et Patrice Lechevallier
Assistant à la mise en scène  Sylvain Gagnier

Du 9 au 26 mai 2012
Lundi, mercredi, samedi à 19h30, mardi, jeudi, vendredi à 21h-relâche exceptionnelle lundi 21

Théâtre Paris-Villette – Parc de la Villette,
211, avenue Jean Jaurès – 75019 Paris
Métro ligne 5 – Porte de Pantin
www.theatre-paris-villette.com
RESERVATION 01 40 03 72 23 ou resa@theatre-paris-villette.com

N’oubliez pas de signer la pétition afin que le Théâtre Paris-Villette ne disparaisse pas !

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