Critique de Denis Sanglard
« Monsieur chasse ! » ou pan ! Sur le bec.
Feydeau c’est bien sûr toujours cette mécanique de précision dans l’adultère bourgeois et son corollaire, le mensonge, poussé à son paroxysme délirant. Quand tout dérape, ripe, échappe. Mari adultère, épouse trompée, amants en déroute, c’est une sarabande, une débandade générale où tout se délite. Les portes claquent, les répliques fusent, les corps explosent.
Robert Sandoz met cela en scène de façon plutôt efficace. Les comédiens sont au bord de l’implosion qui mène leurs personnages au bord du gouffre avec brio (mention spéciale à Cécile Bournay, imparable concierge à la gouaille heureuse et au physique de Betti Boop des faubourgs et à Joan Mompart, amant empressé et dépité). Cela commence piano avant d’atteindre un crescendo qui laisse nos personnages éberlués, abrutis de tant d’énergie déployée pour un mensonge initial. L’attention que porte le metteur en scène aux personnages donne à chacun une trouble épaisseur qui les dégage habilement d’une convention, le vaudeville et leur apporte un poids d’humanité suffisant pour ne pas sombrer dans la caricature. Surtout Robert Sandoz trouve une astuce plutôt efficace dans cet exercice de style obligé qui laisse souvent peu de place à l’inventivité. La scénographie imaginative de Nicole Gredy offre un décor loin de toute convention. Foin du salon bourgeois ! Un décor dynamique, astucieux offre à la mise en scène et aux personnages des situations plutôt originales et parfois complètement loufoques. Métaphore de la situation où tout semble terriblement lisse et confortable et pourtant si peu stable. Des portes s’ouvrent et se dérobent, le mobilier glisse et barricade…Tout n’est que trappes et chausse-trappes. Les personnages eux-mêmes semblent au milieu de cet ensemble fuyant déstabilisés, bancals et ne peuvent se raccrocher à rien sinon au corps de son voisin encore que celui-ci ne cesse de vouloir le fuir. Le mobilier devient un obstacle qui perfidement contrarie la circulation des corps et brisent les élans adultères ou légitimes. Objets inanimés avez-vous une âme ? Il semble surtout que ce décor empoisonne et enferme nos piteux personnages dans une sourde culpabilité inavouée. « Monsieur Chasse! » dépasse le simple vaudeville parfaitement huilé pour tendre vers une comédie de mœurs acide dont Robert Sandoz tire habilement les fils. En poussant les meubles…
Monsieur Chasse !
De Georges Feydeau
Mise en scène Robert Sandoz
Avec Samuel Churin, Joan Mompart, Laurence Iseli, Cecile Bournay, Blaise Froidevaux, Baptiste Gilliéron
Scénographie, accessoires Nicole Gredy
Création Musicale et sonore Olivier Gabus
Lumières, régie générale Stéphane GattoniDu 21 au 27 mars à 20H30
Théâtre de L’Ouest Parisien
1 place Bernard Palissy
92100 Boulogne Billancourt
Réservation : 01 46 03 60 44
Station : Boulogne – Pont de Saint-Cloud