Critiques // Critique • « Le Retour » de Luc Bondy au Théâtre de l’Odéon

Critique • « Le Retour » de Luc Bondy au Théâtre de l’Odéon

Nov 05, 2012 | Aucun commentaire sur Critique • « Le Retour » de Luc Bondy au Théâtre de l’Odéon

Critique de Dominika Waszkiewicz

Photo : Ruth Walz

Un féroce combat psychologique en huis-clos

Pour marquer l’ouverture de sa première saison à la tête du théâtre de l’Europe, Luc Bondy crée « Le Retour » de Harold Pinter.

Au sein d’un West End populaire et un brin suranné, Ted (Jérôme Kircher) débarque avec sa femme Ruth (Emmanuelle Seigner) dans la maison où il a grandi et où vivent encore son père Max (Bruno Ganz), son oncle Sam (Pascal Gréggory) et ses deux frères puînés : Lenny (Micha Lescot) et Joey (Louis Garrel). Le climat est tendu, souvent violent, et les personnages semblent se heurter les uns aux autres, comme des quilles, creuses et bancales.

Contrairement à ses frères, Ted a bien réussi : il est docteur en philosophie et enseigne aux États-Unis. Il n’a pas vu sa famille depuis six ans. Mais il ne les intéresse pas. Le point de mire de toutes les attentions est Ruth qui va finir par laisser son mari repartir seul et humilié (volontairement ?) auprès de leurs trois enfants.

Pinter nous dresse ici le portrait d’êtres inquiétants derrière des apparences banales. Sous des allures de bandits à la petite semaine, se dévoilent les pans de la cruauté humaine avec ses pulsions malsaines et indicibles. Clichés de l’homme vu dans toute sa tragique laideur, instantanés de Francis Bacon ou Lucian Freud.

Une création de qualité entre hyperréalisme et inquiétante étrangeté

Entre un plateau aux allures de décor marthalérien et un jeu toujours juste et contrôlé, Luc Bondy nous offre, une fois de plus, la preuve de ses talents de direction. La composition sonore s’enchaîne avec fluidité (sauf pour quelques répliques bizarrement fausses de Emmanuelle Seigner) et les déplacements semblent millimétrés. En outre, dans cet espace très réaliste, les comédiens sont méconnaissables, métamorphosés voire modelés par les doigts de fée (ou de sorcière ?) de Cécile Kretschmar. Marionnettes grandeur nature, les corps paraissent au service du tout-puissant metteur en scène… Ainsi, Pascal Gréggorry, nous offre une silhouette raide et bedonnante correspondant assez bien à la psychologie de ce pauvre vieux Sam.

Une pièce trop attendue pour ne pas être décevante ?

Mais cette rigueur suisse qui sait si bien célébrer les corps (souvenir des Chaises présenté aux Amandiers avec, déjà, un Micha Lescot tout à fait surprenant…) ne nous permet pas de vivre le moment théâtral. Malgré une bande son se voulant ostensiblement inquiétante, le spectateur reste dans son petit confort distant et la tension annoncée ne vient point trop l’effleurer…

Est-ce à dire que Luc Bondy et Botho Strauss auraient omis des éléments essentiels dans leur interprétation ? Ou bien les effluves scandaleux du texte préféré de Pinter se seraient-ils évaporés pendant ce demi-siècle ?

Faiblesse dramaturgique ou désuétude, la pièce nous laisse tranquilles, non point trop fâchés mais un peu déçus, en somme, de ce petit Retour.

Le Retour de Harold Pinter
Mise en scène : Luc Bondy
Traduction : Philippe Djian
Conseiller dramaturgique : Botho Strauss
Décor : Johannes Schütz
Costumes : Eva Dessecker
Lumière : Dominique Bruguière
Maquillage et coiffure : Cécile Kretschmar
Avec : Bruno Ganz, Louis Garrel, Pascal Greggory, Jérôme Kircher, Micha Lescot, Emmanuelle Seigner
Du 18 octobre au 23 décembre
Tous les jours à 20h sauf le dimanche à 15h
Relâche le lundi
Durée : 2h20
Théâtre de l’Odéon
Place de l’Odéon
75006 PARIS
Métro Odéon
Tél : 01.44.85.40.40
www.theatre-odeon.eu

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