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Critique . « Quatre-vingt treize » de Victor.Hugo, mise en scène de Godefroy Segal, à la Maison de la Poésie

Avr 16, 2012 | 2 commentaires sur Critique . « Quatre-vingt treize » de Victor.Hugo, mise en scène de Godefroy Segal, à la Maison de la Poésie

Critique d’André Antébi

Considéré comme le testament politique de Victor Hugo, Quatre-vingt treize revient sur cette année terrible qui a vu la République naissante menacée par la guerre civile et les armées européennes.

 Toute l’œuvre d’Hugo porte en elle une histoire de la révolution à travers les thématiques de la Justice, de l’égalité entre les hommes, de la misère. Mais ce n’est qu’au crépuscule de sa vie que le poète s’est résolu à écrire son grand roman de la Révolution à travers cette année 1793. Sans doute a-t-il longuement mûri ce récit, lui, l’enfant d’un général républicain et d’une mère qui soutenait le parti royaliste. Lui-même qui fut d’abord royaliste avant de lier son sort à celui de la république, puis de soutenir la Commune en 1871. Et c’est d’ailleurs la répression sanglante de la Commune de Paris qui aura décidé Victor Hugo à faire résonner les idéaux républicains dans ce livre grandiose qui ne raconte l’Histoire que pour parler du présent.

Et il est extraordinaire de voir combien cette parole universelle, humaniste, et visionnaire, ici portée par la compagnie In cauda, continue de nous renvoyer à la contemporanéité.

© In Cauda

 

Tout le dispositif scénique élaboré par le metteur en scène est mis au service de cette parole, dans ce qu’elle a de plus pure. Tout repose sur les cinq comédiens qui face au public, interprètent tous plusieurs rôles, sans artifice, costume ou autres décors. Ce sont eux qui assurent la continuité et la clarté d’un récit pourtant complexe, le rythme tendu d’un bout à l’autre de la représentation, alternant différents modes de narration, le conte et l’incarnation des personnages, avec une immense générosité.

 Il serait injuste de ne rendre hommage qu’aux artistes présents sur le plateau. Ils sont accompagnés tout au long de la pièce par la projection des peintures de Jean-Michel Hannecart. Véritable hommage aux gravures de l’époque révolutionnaire, hommage aussi aux peintures de Victor Hugo, les tableaux d’Hannecart ouvrent un champ d’imagination pour le spectateur, une porte sur le roman et sur le rêve. Tantôt elles prolongent une pensée, une image, tantôt elles nous plongent dans un nouvel espace, pour une nouvelle émotion.

 Cet écho entre la scène et l’écran donne de la profondeur au récit et participe à cette lourde tache que Hugo assignait au poète, de mêler tout à la fois « le grand et le vrai, le grand dans le vrai et le vrai dans le grand ».

 

La troupe relève ce défit avec talent. Et si l’on pourrait souhaiter une plus grande respiration dans l’espace étroit dans lequel les acteurs s’expriment, si l’on peut s’interroger sur le choix dramaturgique de traiter linéairement l’ensemble du roman plutôt que de fragmenter l’œuvre pour en approfondir les points de vue, l’exploration de l’âme humaine à travers les personnages de Cimourdin, Lantenac et Gauvain nous parvient aussi bien que les images épiques des batailles (qui se passeraient bien il faut le dire des quelques effets pétards mouillés quand c’est le chaos qui devrait gronder)

 Ce qui transparait le plus clairement, ce sont les trois visions du monde qui s’affrontent et qui seraient peut être les trois âges de Victor Hugo. Le marquis de Lantenac incarnation de l’Ancien Régime, redouté et sans pitié, Cimourdin la République autoritaire, « la face noire et inflexible de la Révolution » et Gauvain, cette « République magnanime » à laquelle aspire le poète, et qui lui fait dire cette phrase qui résume à elle seule l’idéal porté par ce roman: « Tu as voulu me tuer au nom du roi ; je te fais grâce au nom de la république ».

C’est enrichi de tout cela que nous ressortons de la salle, l’esprit critique, en éveil et traversé par des enjeux encore cruellement d’actualité…

 

 

Quatre vingt treize

De Victor Hugo

Adaptation et mise en scène Godefroy Ségal

Peintures Jean-Michel Hannecart

Projection Benjamin Yvert

Assistante à la mise en scène Mathilde Priolet

Avec Géraldine Asselin, François Delaive, Nathalie Hanrion, Alexis Perret et Boris Rehlinge

Du 7 au 13 avril et du 2 au 20 mai

Du mercredi au samedi à 20h00 – dimanche 16h00

 

Maison de la poésie

157 rue Saint Martin, 75003

Metro rambuteau / RER Les Halles

Réservation : 01 44 54 53 00

www.maisondelapoesieparis.com

www.compagnieincauda.com

  

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