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Critique. « Les menteurs » d’Anthony Neilson, au théâtre de la porte Saint-Martin

Sep 09, 2012 | Aucun commentaire sur Critique. « Les menteurs » d’Anthony Neilson, au théâtre de la porte Saint-Martin

Critique de Dashiell Donello

©DR

Qu’est-ce que le théâtre ?

Voilà la question.  La difficulté est de répondre sans dogmatisme. Certes, quelques productions font un clivage public/privé. Comme si, l’un était un OTNI (objet théâtrale non identifié) et l’autre un valet d’état. Cette classification serait réductrice et méprisante pour l’un, comme pour l’autre. Du reste, cette division culturelle a ses raisons que la politique n’ignore pas. Pourtant ces deux frères ennemis continuent de se chamailler pour des logiques obscures. Comme une vendetta qui aurait oublié la cause de la dispute. Encore que…

Sachant qu’un euro est un euro, l’argent, public ou privé, de droite ou de gauche, n’est ni garant du talent, ni du genre.  Alors êtes-vous pour le théâtre de recherche, de divertissement ? Que diriez-vous d’un théâtre de boulevard, de foire ou de politique ? Peut-être êtes-vous pour la performance, la théâtralisation sacrée ? Non ? Seriez-vous éventuellement preneur de l’objet brut de la pauvreté, de l’exaltation de la super marionnette ? De la vidéo sur le plateau ? Ou bien encore, pour couper court, de la fameuse méthode de l’école Russe Stanislavskienne ?

Que de questions pour un art vivant ! On allait presque oublier que justement c’est parce que le théâtre est la vie, c’est à dire à l’homme et sa multitude de contradictions, qu’il est le théâtre.

Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse

Pourquoi cette introduction, me diriez-vous ? Le critique d’art objectif ne se doit-il pas de démêler le fil de cet écheveau d’opinion qui, somme toute, devrait dévider un théâtre pour tous ? L’important in fine n’est-il pas que le théâtre, public ou privé, soit du bon théâtre ? Alors comme disait Alfred de Musset : Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse !

Celui qui est à l’affiche du Théâtre de la Porte Saint-Martin « Les Menteurs » dans une mise en scène Jean-Luc Moreau, nous rappelle les soirées de « Au théâtre ce soir » série mythique de la télévision de 1966 à 1984. Cette émission a formé une génération qui n’a pas oublié ses automatismes conventionnels. Dès le lever du rideau, on applaudit le décor (Charlie Mangel) comme au bon vieux temps de l’ORTF. Nous voilà emporté dans les brumes anglaises ; et l’odeur de l’encens  nous apaise et nous parfume de la promesse d’une bonne soirée.

Philippe Chevallier entre en scène. Le public le reconnaît. Applaudissements. Une autre vague d’applaudissements suit avec l’entrée de Régis Laspalès. On est aux anges de voir ce duo burlesque et lunaire qui nous divertit avec talent depuis leurs débuts, en 1982, au Petit Théâtre de Bouvard. Les applaudissements cessent à l’apparition d’une comédienne que l’on ne connaît pas, cela fait sourire ma voisine. Bref ! La pièce commence.

Chargés d’annoncer une mauvaise nouvelle à deux personnes âgées au cœur fragile, deux braves « bobbies » appuient sur la sonnette d’un petit pavillon le soir de Noël… La maladresse des deux policiers n’égalant que leur absence de jugeote, l’affaire prend rapidement une tournure des plus burlesques.

Jean-Luc Moreau nous dit dans sa note d’intention : « (…) sujet de pièce terrible pour une comédie, et mission impossible pour nos deux gardiens de la paix, tant leur gentillesse, leur discrétion, leur tact, leur réserve et leur naïveté vont les handicaper et faire basculer la pièce dans des quiproquos et la farce la plus irrésistible qu’il m’ait été donné de mettre en scène ».

Cette comédie anglaise d’Anthony Neilson est à l’évidence du caviar pour nos deux comédiens. On retrouve dans leur jeu cette complicité qui fit les grands moments de leur sketch « Le train pour Pau », entre autres. On passe, sans y toucher, de l’absurde à la farce, du clown à la comédie. Les ramifications de la pièce n’avantage pas de manière égale notre joyeuse troupe. Jean-Luc Moreau le concède lui-même, il aime, à juste titre d’ailleurs, Laspalès et Chevalier, mais n’ôte-t-il à la pièce toute saveur en les distribuant dans une comédie où le reste de la troupe, disons-le franchement, leur sert la soupe ? Si on ne nous dit pas que c’est une comédie à plusieurs personnages, on pense voir, au début de la pièce, un spectacle Laspalès et Chevalier, humoristes. Cela n’est pas gênant en soi, mais pour le coup, on veut voir nos deux héros comiques, on en redemande et quand les autres protagonistes arrivent on a l’impression qu’une autre pièce commence.  Soit deux spectacles en un. Ou bien la pièce est mal équilibrée, ou la distribution est inégale. Tant il est vrai que Laspalès et Chevalier sont au-dessus de la mêlée. Ce qui fait que l’on passe de bons moments par intermittence, selon que l’on voit nos duettistes, ou la comédie  qui raconte l’histoire d’une vieille dame qui n’a plus toute sa tête, d’une voisine inquiétante, d’un pasteur bizarre, d’une jeune fille de son époque et d’un chien qui aboie…

A qui la faute si l’on aime moins la pièce que le spectacle d’humoristes ? D’ailleurs rien que pour eux, il faut aller voir « Les menteurs », ils ne vous décevront pas. Le public a aimé et de longs rappels en ont été la preuve.

Les Menteurs
Une comédie anglaise d’Anthony Neilson
Adaptation : Marianne Grove
Mise en scène : Jean-Luc Moreau
Avec Philippe Chevallier et Régis Laspalès
Antoinette Moya, Roger Van Hool, Sophie Gourdin, Bruno Chapelle, Nell Darmouni.
Décors :  Charlie Mangel.
Lumières : Gaëlle de Malglaive.
Musique :  Guillaume et Renaud Stirn.
Costumes : Juliette Chanaud

À partir du 07 septembre 2012
Du mardi au vendredi à 20h – Samedi à 16h45 et 20h30 – Dimanche à 15h

Théâtre de la porte Saint-Martin
16 boulevard Saint Martin
75010 Paris
Réservations : 01 42 08 00 32
www.portestmartin.com

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