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Critique. « Les beaux jours d’Aranjuez » de Peter Handke au théâtre de l’Odéon théâtre de l’Europe

Sep 14, 2012 | Aucun commentaire sur Critique. « Les beaux jours d’Aranjuez » de Peter Handke au théâtre de l’Odéon théâtre de l’Europe

Critique de Dashiell Donello

Un dialogue d’été à l’ombre d’un théâtre

Luc Bondy, le nouveau directeur de l’Odéon théâtre de l’Europe, pour sa première saison, lève le rideau sur « Les beaux jours d’Aranjuez » de Peter Handke. Cette pièce, a été créée en mai dernier à Vienne dans le cadre du Wiener Fest Wochen festival international.

Qui commence ? demande l’homme. Cette question posée au début de la pièce ; est-elle en résonance avec la polémique de « Voyage au pays sonore ou l’art de la question » de Peter Handke, déprogrammée de la Comédie-Française en 2007 ? Une interrogation qui chercherait à savoir comment s’engendre une controverse ; mais Luc Bondy se refuse d’amalgamer Handke l’homme public, de Handke l’auteur de théâtre. Sa position est claire, mais la politique dans l’art est toujours une épine douloureuse qu’on n’espère n’avoir jamais sous le pied. La question reste donc posée.

Je t’ai reconnu pour les questions que tu n’as pas posées

De quoi parle la pièce ? De ce qui était prévu, nous dit encore l’homme. Mais quoi ? Un jeu d’amour  de l’enfance avec une règle que seul l’homme et la femme semblent connaître ? Un jeu de la vérité ? Un long dialogue sur les similitudes de l’homme et de la nature ? Les souvenirs d’enfance dans des salines abandonnées ou bien cet autre sur une balançoire jubilatoire ?

Nous sommes sous le climat vertigineux de l’été. L’azur nous pénètre de son atmosphère de fraicheur mêlée à de la chaude fragrance solaire. C’est ce qui devrait être, c’est ce qui était prévu, mais nous sommes au théâtre. Un grand rideau rouge nous met en coulisse du rêve. Sur un rail de l’illusion nous faisons de l’équilibre sur le dialogue qui se joue entre une femme et un homme. Leur arme est un rais d’astre sensuel et secret.

Où donc est cette nature tant détaillée par notre couple ? Nous cherchons. Nous trouvons. Notre regard se pose enfin sur un paravent représentant un paysage bucolique peint par l’homme. Un coin de nature dans l’espace illusoire du théâtre. Peut-être un paradis perdu ? Où les goûts et les senteurs sont dans la vision de notre propre mémoire sensorielle. Où soudainement, le souvenir d’un parfum d’une baie sauvage nous revient dans les narines.  Comme l’homme se souvient d’avoir été peintre ou plus sûrement promeneur dans un potager. Notre mémoire met alors en scène de l’eau qui dort dans la brume d’une aube chantée par les oiseaux. Comme ce qui dort dans la profondeur du temps. Dans l’énigme du monde. La femme ne se réveille que dans l’appel de sa propre sensualité de jeune fille sur une balançoire enchanteresse.  Le désir de poser la question de la première fois. Avec qui et si c’était bien ? Elle reconnaît bien là l’homme, aux questions qu’il ne pose pas. Car tout autour de la nature la prédation est pariée comme une parade d’amour animal. La savane de l’homme a un gout de groseilles sauvages dans la gorge de la femme. Pas d’amour ici. Vivant et seul dans sa mémoire l’homme va de cercle de sorcières en cercle de sorcières sans être rassasié de questions. Car une femme seule peut regarder une femme qui aime.

Dörte Lyssewsky est dans la beauté plastique d’une comédienne à l’aura fascinante et Jens Harzer lui donne la réplique, en partenaire agile, dans cette danse où la vie est ailleurs. Ce couple de comédiens dignes et majestueux donnent de l’action au texte par le verbe. Si justement, Luc Bondy n’a pu mettre en scène l’action quasi inexistante de la pièce, il a su orchestrer l’incarnation des rôles avec justesse. Ce qui nous donne à entendre toute la musique affective que nous, les spectateurs, jouons seuls dans notre intimité.  Bravo.

« Les Beaux Jours d’Aranjuez » Peter Handke
En allemand, surtitré
Scénographie Amina Handke
Costumes Eva Desseker
Lumières Dominique Bruguière
Son David Müllner
Dramaturgie Klaus Missbach
Avec Dörte Lyssewski, Jens Harzer
Production Wiener Festwochen et Burgtheater (Vienne).
Créé au Wiener Festwochen le 15 mai 2012.
à lire Les Beaux Jours d’Aranjuez de Peter Handke, version originale française de l’auteur, Le Bruit du temps, 2012.
Location 01 44 85 40 40 / www.theatre-odeon.eu
Horaires du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 15h relâche le lundi

Odéon Théâtre de l’Europe
Place de l’Odéon Paris 75006
Métro Odéon (ligne 4 et 10) – RER B Luxembourg

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