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Critique ・ Rosmersholm, d’Ibsen au théâtre de l’Opprimé

Fév 09, 2014 | Aucun commentaire sur Critique ・ Rosmersholm, d’Ibsen au théâtre de l’Opprimé

Critique Dashiell Donello

Holm 2

Une quête d’affirmation de soi

La très bonne traduction de Éloi Recoing (Actes Sud-Papier) résume la pièce d’Ibsen (1828-1906) ainsi :

 » Rosmer, veuf depuis un an, a cessé ses fonctions de pasteur et s’est retiré dans le domaine familial : Rosmersholm. Rebekka, l’amie fidèle de son épouse disparue, vit toujours sous son toit, sans statut précis. Éprise d’idées progressistes, elle cherche à confiance à Rosmer afin qu’il sorte de ce cadre conservateur. En quête d’affirmation de soi, il aspire à une vie nouvelle, mais ce lieu mortifère et des révélations sur le suicide de sa femme vont vite peser sur cette illusion. »

ROSMER. Je ne me rallie pas aux idées du jour. Ni à aucun camp. Je voudrais seulement réunir des hommes de tous les bords. Aussi nombreux que possible. Je veux vivre et mettre toutes mes forces au service d’un seul but, – créer une vraie démocratie dans ce pays. 

Un projet ambitieux qui ne tient pas ses promesses

L’entrée en matière musicale (Vincent Artaud), dans la mise en scène de Julie Timmerman, semble nous dire : attention vous allez voir la mise en question de la filiation et des dialogues entre les siècles. Une vitrine laboratoire dans un jardin Eden retrouvé. Un espace mental de chevaux blancs. Une musique éruptive qui va faire exploser, craquer les carcans imposés par des ancêtres qui hantent Rosmersholm, en donnant à l’être sa dimension sauvage, insaisissable ; emporté dans un dernier galop suicidaire.

Ibsen a-t-il besoin de tout cela ? N’est-il pas, depuis longtemps, entré dans l’intemporalité par l’excellence récurrente de ses thèmes universels ? Est-ce que la sincérité du jeu d’acteur et la gestion gestuelle de l’espace ne suffisent pas ? On peut répondre par l’affirmative. Ibsen a seulement besoin de l’impermanence des actions et des situations, de ce qui se joue dans son théâtre du quotidien, pour que  le sens et la profondeur de l’indicible paraisse. Le texte est suffisamment autonome et il se fait clairement entendre, à nous public, sans le besoin explicatif d’une mise en scène trop sûre d’avoir trouvé l’énigme de la nature humaine des personnages Ibséniens.

La pièce Rosmersholm n’est-elle pas plutôt le voyage de l’être humain aux tréfonds de son intimité ? Ne traite-t-elle pas de l’extinction d’une famille parasitée par un passé révolu et d’une pensée nouvelle  rendue impossible par le conservatisme imposé par des spectres ? C’est là, le génie d’Ibsen de mettre la modernité de son propos dans sa dramaturgie. L’amour pur des héros porte en lui-même sa fatalité. Rebekka et Johannes sont donc condamnés à une tragédie où toute liberté est impossible.

Hélas ! Trop de contradictions dans cette mise en scène nous empêchent d’être en phase avec cette création. En premier lieu, pourquoi surjouer ? Cela n’arrange rien et donne une impression surannée en lieu et place d’un théâtre vivant. Autre contradiction, la scénographie contemporaine (Clémence Kazémi) face à des costumes XIXème siècle (Dominique Rocher) ne donne pas l’effet souhaité de Julie Timmerman d’un dialogue entre les époques. Peut-être que ces  contradictions viennent d’une charge (mise en scène et jeu) trop lourde sur les épaules de Julie Timmerman pour une œuvre aussi complexe ? Quant à la direction d’acteurs, on se demande pourquoi ajouter du pathos à ce qui est déjà dramatique ? Cela a pour résultat une interprétation outrancière pleine de clichés, (roulements d’yeux, gestuelle mimétique, etc.), qui fait rire mal à propos, et nous laisse dubitatif. Seuls, Marc Berman sublime dans le rôle de Brendel et Philippe Risler parfait dans celui de Mortensgaard donnent le caractère intime de leur personnage. Pour les représentations à venir, on espère une interprétation plus simple, une écoute chorale plus dense et  totalement donnée, vers un public un peu oublié en cette soirée.

Rosmersholm
De Henrik Ibsen
Texte français Eloi Recoing
Mise en scène Julie Timmerman
Dramaturgie Adèle Chaniolleau
Scénographie Clémence Kazémi
Musique Vincent Artaud
Lumière Philippe Sazerat
Costumes Dominique Rocher
Avec Marc Berman, Marc Brunet, Dominique Jayr, Xavier de Guillebon, Philippe Risler, Julie Timmerman
Théâtre de L’Opprimé
78/80 rue du Charolais 75012 Paris
Métro : Reuilly-Diderot – Montgallet – Dugommier – Gare de Lyon
Réservation: 01 43 45 81 20

http://www.theatredelopprime.com

 

 

 

 

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