ƒƒƒ Critique Denis Sanglard
©Justine Macadoux
Ode à l’altérité
Histoire d’une résilience… Naître avec une différence qui vous balafre le visage et l’âme. Affronter le regard de l’autre, celui qui vous observe et vous renvoie votre face zébrée. Se construire avec le regard des autres, miroir sans complaisance et déformé, apprendre à se taire, paraître pour ne pas disparaître. De l’enfance à sa vie d’adulte, Séverine Fontaine parle de sa différence, celle qui pousse à la marge, vous plonge dans le silence et le non-dit. De la violence d’une société normative qui exclut la différence mais inclut le mensonge, « le faire comme si ». Ce qu’elle a tu longtemps, ce rejet des autres devant ce visage blessé, elle le raconte aujourd’hui. De cette enfance exposée et massacrée où l’on rêve d’être une poupée à la face si lisse, à l’adolescente dont le corps devenu objet de convoitise n’occulte en rien la gueule cassée. Jusqu’à la nausée, l’oubli de soi qui vous pète à la gueule un beau jour. Séverine Fontaine ose enfin être elle-même et faire de cette faille, de son visage brouillé par le regard des autres, une force peu commune.
C’est une belle et délicate création, sans pathos mais avec une grande pudeur et une franchise brute. Séverine Fontaine s’expose sans fard et sans tricher. Elle est à nu. Il y a quelque chose d’extrêmement touchant de voir s’exposer ainsi tant de violence feutrée sans la moindre haine en retour. Séverine Fontaine a trouvé la juste distance pour ne pas charger un récit et en faire un réquisitoire. Son expérience particulière qui fait aujourd’hui sa singularité et sa beauté reste un joli manifeste, une ode à la différence.
Plus encore c’est un bel objet théâtral, d’une poésie sombre et sensible. La scénographie inventive peuple le plateau de lampes sur pieds et de miroirs éclatés. Lumières et reflets, autant de regards, avec lesquels elle joue, se joue, se déjoue. Présences muettes qui consolent ou qui blessent. Artiste complète, son corps se métamorphose au long du récit. Petite fille puis adolescente, enfin adulte, cela est d’une grande justesse. Elle chante aussi quand la vérité intime ne peut se dire, se projeter. C’est la voix d’une âme écorchée qui jaillit. Oui c’est un bel objet théâtral qui ne triche pas, se refuse aux effets tocs et chics, trouve une vérité dans un simple reflet de miroir, une lampe qui s’allume. On ressort de cette expérience ému et quelque peu secoué. Le regard sans indulgence de Séverine Fontaine, ni pour elle-même ni pour les autres, interroge notre propre regard. Finalement nous sommes tous des freaks !
Regards
Ecriture, conception et interprétation Séverine Fontaine
(Créé dans le cadre des 40 ème rencontres de la Chartreuse. Festival d’Avignon 2013)
Collaborations artistiques:
Objets et espaces Arnaud Louski-Pane, Justine Mcadoux
Avec la complicité de Raphaël Odin, Gaspard Pinta
Lumière Bruno Sourbier
Images animées Christian Lemercier, Luc Parat
Son Sophie Berger
Costume Elsa Bourdin
Direction d’acteur Emmanuelle Michelet
Travail du corps Gilles Nicolasà 20h – Du 26 novembre au 29 novembre à 19h – Les samedis à 21h, le dimanche à 15h
Maison des Métallos
94 rue Jean-Pierre Timbaud 75011 Paris
Métro : Couronnes, Parmentier
nbsp;
Les samedis à 21h, le dimanche à 15hRéservations 01 47 00 25 20
Reservation@maisondesmetallos.org