Critiques // Critique ・ « Qu’est-ce- que le temps ? », mise en scène de Denis Guénoun au Théâtre National de Chaillot

Critique ・ « Qu’est-ce- que le temps ? », mise en scène de Denis Guénoun au Théâtre National de Chaillot

Jan 09, 2014 | Aucun commentaire sur Critique ・ « Qu’est-ce- que le temps ? », mise en scène de Denis Guénoun au Théâtre National de Chaillot

ƒ Critique Djalila Dechache

 

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©Cyril Bonnefoy

A partir du livre XI des Confessions de Saint-Augustin, le metteur en scène Denis Guénoun a réalisé un spectacle à partir d’un texte de réflexion, dans une nouvelle traduction de Frédéric Boyer.

Dans les Confessions, la réflexion personnelle de Saint-Augustin se pose sur sa vie, sa foi, le conduit naturellement à se poser la question de ce qu’est le temps. Plus encore, en rhéteur et homme d’église, il la pose à Dieu en distinguant le temps de l’éternité, lui donnant une teneur philosophique et théologique. Que faisait Dieu avant la Création, avant de faire le ciel et la terre ?

Dieu a créé le temps -en 6 jours selon La Bible -, qu’est-ce donc que le temps ?

« Si personne ne me le demande, je sais, si on me le demande et que je veux expliquer, je ne sais plus ».

Cette phrase de Saint-Augustin devenue célèbre, ancrée dans les esprits, résume à elle seule ce qu’est le temps et ce qu’il n’est pas.

Parce que c’est exactement cela : le temps nous échappe y compris lorsque l’on veut le définir, il nous englobe, nous emporte inexorablement. Nul ne peut le saisir. La définition qu’en donne Saint-Augustin est que le temps passe alors que l’éternité est immobile. C’est elle qui donne une dimension à l’Etre.

Cette question du temps et de l’éternité demeure, un bon nombre de philosophes la reprendront et l’enrichiront, jusqu’à Anna Arendt qui réalisera sa thèse sur sa conception de l’amour.

Sa réflexion et son observation le conduisent à diviser le temps présent en 3 modes : le présent du passé, celui du souvenir, de la mémoire, le présent du présent  celui de l’observation, de l’attention et le présent du futur, celui de l’attente, nous sommes en attente de ce qui va advenir.

Le texte des Confessions qui comporte XIII livres, tout comme celui des Soliloques sont écrits à la première personne, c’est une première pour un homme de sa formation et de son rang, lui qui fait partie des premiers chrétiens du IVème siècle, c’est à-dire avant que l’Eglise ne se dogmatise. Qui est Saint-Augustin ? Né en 354 à Thagaste, l’actuelle Souk-Ahras (Algérie), où demeurent de nombreux vestiges dans la région, il s’éteint en 430, à Hippone-actuelle Annaba où est érigée une superbe basilique, surplombant la ville et  portant son nom, dans un périmètre riche de ruines romaines.

Les textes de Saint-Augustin sont d’une grande honnêteté intellectuelle, il ne nous épargne pas ses doutes, sa douleur, son cri, son désir de comprendre : il interpelle Dieu sans cesse, lui demande de l’aide.

Ils sont aussi d’une grande modernité donnant l’impression qu’ils ont été écrits ce matin d’un seul jet. Il devait être mû par une force divine, par une énergie furieuse.

« Dans le chant, je suis distendu ».

Dans la salle noire et nue du théâtre, le comédien Stanislas Roquette vêtu de blanc, incarne à souhait les affres de Saint-Augustin, éprouvant par le corps et la pensée, ses questionnements, ses réflexions à voix haute, suant, bondissant, se jetant au sol pour éprouver le ralenti, la durée de l’élan et de la chute. Saint-Augustin l’a éprouvé par la poésie, et surtout par le chant où tout est affaire de temps, les syllabes et notes longues ou brèves ne sont elles pas enchâssées dans une mesure temporelle ? A cet effet, dans son texte, il fait référence à un hymne dédié à Saint-Ambroise, l’évêque milanais qui l’a baptisé et qui débute ainsi : « Dieu, créateur de toutes choses, Deus, creator omnium ».

Saint-Augustin ajoute que  « Dans le chant, je suis distendu » c’est à dire que comme le temps qui se distend, je suis moi-même le temps avec ses variations, je suis musique et rythme, c’est cela la vie, c’est cela ma vie.

Il fait bon lire des textes de Saint-Augustin, il est bon de les voir s’incarner comme l’a fait Stanislas Roquette avec conviction, il devient bon de poursuivre la réflexion tout au long de la vie.

Qu’est-ce que le Temps ? 

Livre XI des Confessions de saint Augustin
Nouvelle traduction de Frédéric Boyer(Les Aveux, P.O.L., 2008)
Mise en scène : Denis Guénoun
Lumières : Geneviève Soubirou
Musique : Franz Schubert
Avec : Stanislas Roquette

Théâtre National de Chaillot
1 place du Trocadéro
75016 Paris
Métro : Trocadéro
Réservations : 01 53 65 30 00
www.theatrechaillot.fr
Du 3 au 18 janvier 2014
Salle Maurice Béjart
Durée 1h

 

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