ƒƒ  Critique Camille Hazard

  © Benoit Jeannot

Repéré lors de la création de Platonov au Théâtre de Vanves en 2012, le metteur en scène Benjamin Porée a l’occasion de reprendre son spectacle au Théâtre de l’Odéon.

Ce qui frappe tout d’abord, c’est le texte de Tchekhov traduit par Françoise Morvan et André Marcowicz, qui porte les mots de notre présent quotidien pour mieux nous relier à l’époque de l’auteur. Sans évincer les « mon très cher » du texte, les traducteurs ont le choix d’un vocabulaire enfantin, immature en même temps que festif : «  Dites-moi quelque chose de mignon, d’acidulé », « de ses yeux coulait le champagne… ». Une délicate traduction qui n’hésite pourtant pas à bousculer le langage pour faire éclore le sens de l’œuvre.

« Être une canaille finie et, en même temps, ne pas vouloir en prendre conscience, c’est l’effrayante particularité de la fripouille russe ! »

La mise en scène de Benjamin Porée est brillante. Une maitrise indéniable de l’espace de jeu, une compréhension intelligente du texte, une direction d’acteurs indéniable… Les décors nous emportent dans une ambiance cinématographique, évocatrice d’une époque révolue sans pourtant essayer de la reproduire de manière réaliste. Beaucoup de scènes, avec l’aide précieuse de la lumière (création de Marie Christine Soma), semblent sortir d’un tableau de Manet ou de Munch. Les costumes simples mais savamment pensés par M. Moiret et R. Verna, participent à cette ambiance de rêve nébuleux.

La comédienne Elsa Granat qui interprète le personnage d’Anna Petrovna, explose de vie et amène son personnage au bout de sa finesse et de l’exaltation. Notons également la présence géniale des serviteurs qui à travers une démarche lunaire et goguenarde, amènent beaucoup de poésie sur le plateau.

Pourtant, il y a quelque chose d’essentiel que l’on peut reprocher à la mise en scène ; le cadre trop sage dans lequel les personnages évoluent. Platonov, œuvre de jeunesse, pose la question de « comment être au monde sans père » (physique, idéologique), c’est un texte qui nous interroge sur le sens de la vérité : existe-elle ? Faut-il la suivre ? A quel prix ?

La jeune compagnie de Benjamin Porée donne l’impression un peu décevante de ne pas aller jusqu’au bout de ce qu’elle propose. Tous les éléments du grand théâtre sont réunis, on aurait  tout de même aimé recevoir un spectacle moins poli…

Platonov
D’Anton Tchekhov
Mise en scène et scénographie Benjamin Porée
Costumes Marion Moinet et Roxanne Verna
Création sonore Charles d’Oiron
Lumière Marie-Christine Soma
Traduction Françoise Morvan et André Markowicz
Avec : Lucas Bonnifait, Valentin Boraud, Anthony Boullonnois, Baptiste Chabauty, Arnaud Charrin, Guillaume Compiano, Charles d’Oiron, Emilien Diard-Detœuf, Sophie Dumont, Macha Dussart, Zoé Fauconnet, Joseph Fourez, Tristan Gonzalez, Elsa Granat, Aurélien Rondeau et Benjamin Porée, Mathieu Gervaise

Du 8 janvier au 1^er février 2014
Tous les jours à 19h00, dimanche à 15h00

Théâtre de l’Odéon
Ateliers Berthier
1 rue André Suares  / 14 boulevard Berthier – 75017 Paris
M° Porte de Clichy (13)
Réservations au 01 44 85 40 40
www.theatre-odeon.eu

 

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