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Critique ・ La fabuleuse histoire du commerce de Joël Pommerat aux Bouffes du Nord

Oct 11, 2013 | Aucun commentaire sur Critique ・ La fabuleuse histoire du commerce de Joël Pommerat aux Bouffes du Nord

ƒƒƒ Critique Dashiell Donello

©Elizabeth Carecchio

© Elizabeth Carecchio

Vente pour le temps présent 

Obscurité d’une chambre. Un fauteuil regarde, en chien de faïence, un lit à deux chevets. Du noir surgissent des VRP expérimentés, et un novice qui découvre le porte-à-porte, et les hôtels minables, d’une tournée commerciale en région. Cette suite de chroniques du quotidien d’une équipe de vendeurs à domicile, nous investit derrière le judas des petits détails  qui font et défont leur journée. De pâtés de maison en quartiers, de rues en numéros marqués d’une croix à la craie, de paliers d’escaliers en couloirs sordides, ils montent les étages de la déroute, vers le porte-à-porte de la solitude.

Joël Pommerat nous dit : « J’ai proposé que ma pièce mette en scène cinq vendeurs à domicile en déplacement, comme des artistes en tournée, qui se retrouvent dans leur chambre d’hôtel, le soir, pour échanger sur l’expérience de la journée ». 

Cette « vente pour le temps présent » fragmentée de rythmes et de résonances documentaires, nous trouble parce que le travail est inhérent à notre vie quotidienne et ne peu souffrir la comparaison d’un jamais je ne travaillerai rimbaldien. Le travail nous concerne, notre pain quotidien est en jeu, il régule et définit notre mode de vie.

Une manière de se penser soi-même

La force de ces chroniques scrutant des voyageurs de commerce plus vrais que nature, vient des rencontres avec des vendeurs de porte-à-porte, avec lesquels les comédiens de la compagnie Louis Brouillard, ont suivi deux stages : avec le savoir faire d’un vendeur des années 1960 et la technique d’un vendeur des années 2000. Ce qui alimente notre imagination d’une véracité à la fois féroce et troublante, mais avec une touche d’humour ironique.

Au-delà d’une espèce de critique un peu facile du libéralisme, j’ai envie de comprendre la portée du commerce. Forcément, celui-ci fait évoluer le rapport de confiance entre les individus. J. Pommerat

Joël Pommerat, une fois n’est pas coutume, revendique l’aspect et la portée politique du monde du travail. Il pose la question :  » Qu’est-ce que tout cela a transformé et instauré dans le lien et la relation sociale, humaine, dans un couple, dans une famille, un groupe d’amis ?  » Il y a dans « La fabuleuse histoire du commerce » le paradoxal constat d’une manière de se penser soi-même, d’abuser de l’autre par un authentique mensonge humanitaire. Le bon vendeur est celui qui ira le plus loin dans la tromperie sincère et la plus humaine qui soit. C’est la foi mercantile qui seule le guide et lui donne sa force de pénétration au domicile d’autrui.

Nous avons apprécié ces démarcheurs de l’impossible. Ouvrez-leur la porte, faites-les entrer et réservez un chaleureux accueil à leur « guide universel ». Leur nom ? Patrick Bebi, Hervé Blanc, Éric Forterre, Ludovic Molière, Jean-Claude Perrin, Joël Pommerat. Ouvrez-leur la porte ! Ce sont des goélands d’humanité.

La fabuleuse histoire du commerce 

Joël Pommerat
Collaboration artistique Philippe Carbonneaux
Création lumières et scénographie Éric Soyer
Assisté de Renaud Fouquet
Création costumes Isabelle Deffin
Créations sonores François Leymarie
Recherches sonores Yann Priest
Musique
Construction décors et accessoires Thomas Ramon – À travers Champs
Création vidéo Renaud Rubiano
Avec Patrick Bebi, Hervé Blanc, Éric Forterre, Ludovic Molière
et Jean-Claude Perrin

Jusqu’au 16 novembre 2013 à 20h30  – Samedi 15h30 et 20h30 – Relâche dimanche et lundi
Théâtre des Bouffes du Nord
37 bis, bd de La Chapelle, 75010 Paris
Métro : La Chapelle, Gare du Nord
Réservation : 01 46 07 34 50

http://www.bouffesdunord.com

 

 

 

 

 

 

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