ƒ critique Dominika Waszkiewicz

Après Quimper, Villeurbanne et Brest, Pantagruel fait escale à Paris pour une série de représentations pour le moins bigarrées.

© Nathaniel Baruch

Une narration noyée au sein d’un bric-à-brac un brin informe

Les lumières se rallument sur une salle dont l’excessif enthousiasme m’étonne. Oui, en effet, certaines trouvailles amusent (éclairage tamisé de lampes de poche, jeux d’ombres et clair-obscur), d’autres forcent le respect et réjouissent l’intellect (judicieuse mise en abyme de l’auditoire parisien). Mais, finalement, la somme reste peu digeste et singulièrement décousue. Entre un disgracieux chariot à l’exploitation plus ou moins douteuse, un jeu systématiquement grandiloquent et un enchaînement bringuebalant, je me pose la question du sens et de la cohérence. Que veulent nous dire Benjamin Lazar et son équipe ? Pourquoi ont-ils choisi de monter cette œuvre tentaculaire ?

Le projet est incontestablement ambitieux et la fantaisie est au rendez-vous mais le spectacle est constellé de vaines longueurs tartinées de redondances grivoises pas toujours pertinentes. Ni même amusantes. Faut-il forcément avoir recours au chaos pour transcrire scéniquement le trop-plein rabelaisien ? La démarche mimétique et illustrative serait-elle la seule voie envisageable ?

Une louable épopée linguistique et musicale menée avec vigueur

Cependant, et malgré une mise en scène confuse, on ne peut omettre de reconnaître, chapeau au ras du sol, l’indéniable talent d’Olivier Martin-Salvan. Avec une fougue qui n’a d’égale que son fantastique potentiel vocal, il nous régale des retentissants mots d’Alcofrybas Nasier, narrateur et pseudonyme de l’auteur. Irrésistibles déferlantes volubiles, les frasques du géant Pantagruel nous inondent du bonheur gourmand d’ouïr un langage perdu, délicieusement servi par les créations musicales de David Colosio.

Reste tout de même la prégnante déception de ne pas avoir vu la Rabelaisie renaître du passé malgré les efforts combinés. Il manquait à cette soirée un peu de la rigueur pourtant familière du travail de Benjamin Lazar. Peut-être aurait-il fallu choisir davantage et, le cœur serré, trancher lorsque l’excès menaçait afin d’éviter les pièges d’un texte vertigineux et intrinsèquement protéiforme.

Pantagruel
De Rabelais
Avec Olivier Martin-Salvan
Et les musiciens Benjamin Bédouin et Miguel Henry
Conception artistique et adaptation : Benjamin Lazar et Olivier Martin-Salvan
Collaboration à la mise en scène : Amélie Enon
Composition et direction musicale : David Colosio
Recherche dramaturgique : Mathilde Hennegrave
Scénographie : Adeline Caron
Assistée de Sylvie Bouguennec
Lumières : Pierre Peyronnet
Costumes : Adeline Caron et Julia Brochier
Assistées de Margaux Sardin

Jusqu’30 novembre 2013
Du mercredi au samedi à 20h – le mardi à 19h – le dimanche 24 novembre à 16h
Durée : 1h40 environ

Athénée Théâtre Louis-Jouvet
Square de l’Opéra Louis-Jouvet
7 rue Boudreau
75009 PARIS
Métro Opéra, Havre-Caumartin, RER A Auber
01 53 05 19 19
athenee-theatre.com

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