Critiques // Critique • Mensonges d’états de Xavier Daugreilh, mise en scène de Nicolas Briançon

Critique • Mensonges d’états de Xavier Daugreilh, mise en scène de Nicolas Briançon

Sep 30, 2013 | Aucun commentaire sur Critique • Mensonges d’états de Xavier Daugreilh, mise en scène de Nicolas Briançon

ƒƒ Critique Anna Grahm

MENSONGES

L’histoire vraie d’un mensonge

L’histoire commence en janvier 1944 à Londres dans un salon aux murs boisés. Sont réunis là une poignée de militaires américains et anglais pour organiser la plus grande opération de bluff jamais imaginée. Nous sommes à la veille du débarquement et il s’agit de faire croire à l’ennemi qu’il aura lieu un mois plus tard dans le Pas de Calais. Cette immense partie d’échec s’appelle l’opération fortitude. Il s’agit pour tromper l’adversaire, de fabriquer une armée imaginaire d’un million d’hommes afin de pousser les nazis au découragement. Et pour que le mensonge soit crédible, on fait appel au plus crédible des généraux, le général Patton.

Dans cette ruse de guerre, tout est pensé, scénarisé mieux qu’à Hollywood. Dans ce cheval de Troie, 1500 scénaristes, comédiens de tout poil, agents doubles vont fabriquer, façonner, distiller minutieusement du vraisemblable et de l’invraisemblable. Rien n’est laissé au hasard, écoutes et messages inventés, intox, manipulations de la presse, radio, tous les médias sont mis à contribution à leur insu pour créer cet écran de fumée. Mais surtout, et c’est là le plus incroyable stratagème de cette histoire vraie, les alliés avaient construit de faux camps militaires, une armée fantôme, de faux bateaux dans de faux ports (plus de 500 m2) des chars gonflables et des avions en cartons pates et même une raffinerie.

Pour illustrer ce poker menteur passionnant, le metteur en scène Nicolas Briançon choisit d’alterner, intérieurs et extérieurs comme au cinéma. Ainsi des images de cette guerre, viendront par intermittence, inonder le plateau et nous prendre à la gorge. Nous y découvrons ébahis, toute la fabrique de leurres que l’on déplaçait à bout de bras tous les jours pour faire croire à des mouvements de troupes. Et puis, dans le secret des bureaux, nous suivrons ces hommes et ces femmes (ici une seule, la troublante Marie-Josée Croze, les incarnera toutes) prisonniers des pires cas de conscience. Et si le général Patton, furieux d’être écarté du combat, est un colérique réjouissant, le conflit moral qui tenaille chacun des personnages, nous met en prise directe avec la construction de cette fable ahurissante.

Sur cet abime de vrai faux, l’éthique ne vise que la victoire prochaine et l’on est forcé de se tromper soi-même pour s’en tenir rigoureusement à ces prises de décisions qui, ils le savaient bien, sacrifiaient aussi les leurs.

Ce pan de l’histoire méconnu, nous convertit au mensonge absolu. La facture du spectacle est formelle, il n’y a pas de grain de sel dans toute cette folie admirablement orchestrée, seulement des stéréotypes bourrés de testostérones. Mais leur intégrité, leur juste colère épargnera à l’Europe les prophéties d’Hitler. Car c’est aussi grâce à leurs convictions qui travailleront d’arrache pied dans l’invisibilité que sera interrompu l’empire du 3ème Reich qui devait durer 1000 ans.

Mensonges d’états de Xavier Daugreilh
Mise en scène
De Nicolas Briançon
Avec Samuel Le Bihan, Marie-Josée Croze, Michaël Cohen, Jean-Pierre Malo, Bernard Malaka, Aurélien Wiik, Pierre-Alain Leleu et Éric Prat
Jusqu’au20 septembre 2013
Du mardi au samedi à 21 h  – Matinée le samedi à 16 H et le dimanche  à 17h

Théâtre de la Madeleine
19 rue de Suresnes 75018 Paris
Réservation au 01 42 65 07 09
www.theatremadeleine.com

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