critique Camille Hazard

© DR

Quelle ambition de s’atteler à la mise en scène de Lulu de Wedekind. Dans cette pièce en 5 actes (ici 2h30), l’auteur déploie une galerie de personnages si complets et complexes que l’ont pourrait consacrer une mise en scène à part entière pour chacun d’eux !

L’histoire se construit sous forme de tableaux dans lesquels Lulu, figure centrale, pose avec indécence, insolence, sensualité et fragilité. Son corps, ses contours sont transfigurés au gré des différentes toiles de fond qui colorent les tableaux : la société bourgeoise allemande milieu XIXème, les hommes, l’art, le sexe et l’argent. Lulu, recueillie très tôt par un bourgeois immoral, passe de mains en mains, d’hommes en hommes chaque fois que meurent ses « protecteurs». Toute nouvelle rencontre devient le miroir d’une société masculine et vérolée par la décadence de l’argent. Le personnage de Lulu, prostituée, danseuse, amoureuse, agit en nous comme une obsession, comme une déesse infernale et dangereuse malgré elle mais qui ne cherche en fait qu’à aimer.

« Accepte ta condamnation à mort, une mort radieuse. » Le peintre Schwarz

Dans cette version de 1894, le metteur en scène Thomas Matalou prend beaucoup de risques. Si la pièce est déjà très complexe (son ampleur à décrire toute une société, les changements récurrents d’unité de lieu, de temps et d’action, l’épaisseur sans limite des personnages), il était très risqué de vouloir amener des « trouvailles » scéniques avant de poser les bases du théâtre et de la représentation.

La scénographie justement est superbe ; l’idée d’un théâtre de tréteaux amène un décor mobile qui change de visage au fil des tableaux, les comédiens évoluent partout : dehors (pour le prologue), en hauteur, dans le public, dans les gradins… Tout cela participe à l’immersion des spectateurs dans cette société carnassière. Toutefois, la déception vient d’un manque profond de technique, d’un manque de précision dans les adresses, dans les gestes et les déplacements. La profusion de vie désordonnée donne l’impression de brouillon. On reçoit bien le rythme des phrases envoyées comme des échanges de balles entre les différents comédiens mais le manque d’écoute finit par vider le texte de sa substance. Aurélia Arto (Lulu), magnifique, parvient à imposer sa partition avec candeur et charme fou.

Le spectacle est sans doute trop long et trop ambitieux dans le choix du texte mais on ne peut que saluer le travail du Collectif ADM, l’énergie des comédiens qui ne faillit pas et leur plaisir constant à être sur scène.

Lulu
La boîte de Pandore, Tragédie monstre, Drame pour la lecture
De Frank Wedekind
Mise en scène Thomas Matalou
Assistante à la mise en scène: Marie Favre
Avec: Aurélia Arto, Pierre Banderet, Marie Favre, Sylvie Magand, Jacques Mazeran, Franck Micque, Miglen Mirtchev, Paul Tilmont
Scénographie: John Caroll, Florent Gallier, Gaël Richard, Myrtille Debièvre, Laurent Akoun, Charles Picard, Thomas Matalou
Regard chorégraphique: Gilles Nicolas
Lumières: John Caroll
Régie générale: Florent Gallier

Jusqu’ au 16 novembre 2013
Mardi, mercredi, vendredi à 20h30, jeudi à 19h30, samedi à 17h00
Durée du spectacle : 2h30

L’Étoile du Nord Théâtre
6, rue Georgette Agutte 75018 Paris
M° Guy Môquet, Porte de saint-Ouen, Jules Joffrin
Réservation au 01 42 26 47 47
www.etoiledunord-theatre.com

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