Critiques // Critique • « Le soldat ventre-creux » d’Hanokh Levin, mise en scène de Véronique Widock

Critique • « Le soldat ventre-creux » d’Hanokh Levin, mise en scène de Véronique Widock

Sep 23, 2013 | Aucun commentaire sur Critique • « Le soldat ventre-creux » d’Hanokh Levin, mise en scène de Véronique Widock

ƒ critique Anna Grahm

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© Myriam Drosne

Plus toi que toi.

Un homme qui revient de la guerre après cinq longues années, rentre enfin chez lui. Il s’appelle Sosie. Mais très vite, le valeureux guerrier va devenir le soldat inconnu, le cocu, le SDF. Car un homme qui est revenu de la guerre avant lui, prétend que chez lui c’est chez lui. Cet homme-là aussi s’appelle Sosie. La guerre n’est pas finie. Ces deux-là vont se battre pour une maison, une assiette de soupe, la tendresse d’une femme. Sosie ventre creux implore son épouse, la supplie de se souvenir de lui mais Sosie au ventre plein le repousse, exige qu’il disparaisse. Sosie insiste, se compare à Sosie, met en exergue leurs différences, il est maigre, l’autre est gros, mais la femme, elle-même déjà à demi effacée, les trouve « identiques, même allure, de vrais jumeaux ». Ni elle, ni l’enfant ne semblent vouloir le reconnaître, et leur indifférence le rend fou. Mais voilà qu’un troisième Sosie fait son apparition, salement blessé celui-là, qui vient, lui aussi réclamer Sa place. Et ce n’est pas son ventre ouvert et sanguinolent qui va apitoyer celui qui se proclame le maitre des lieux.

Hanokh Levin s’empare ici du thème d’Amphitryon pour mettre en abime la déshumanisation, la perte d’identité et la solitude de l’homme. Sur le plateau vide, un tas de feuilles mortes, quelques bidons, une barrière et des personnages toujours à vue, qui se déplacent sans se voir. Sur leurs manteaux militaires volent de la poussière blanche, poudre à canon, neige, cendres recouvrent peu à peu les blessures de ces errants. Ceux qui ont vécu ici ne sont plus en mesure, ni de s’accepter, ni de vivre ensemble. Et si cette possibilité d’un autre nous-mêmes existait comment aimerions-nous qu’il se comporte ? Cette question est portée, suggérée, soufflée par les acteurs à qui l’on pourrait cependant reprocher un rythme identique et pesant. Et si bien sûr, cette articulation lente des corps est nécessaire à la modélisation en miroir, le résultat produit est assez agaçant, voire même étouffant. Saluons cependant la performance de Stéphane Facco qui a su éviter le piège de la caricature.

Cette tragédie existentielle et politique éprouve le spectateur, la démarche des sosies, leur grossièreté, leur soumission, leur souffrance ou leur aveuglement, le met face au mécanisme d’exclusion. Cette traversée de l’absurde, fera naitre dans le regard de l’enfant, d’autres combats. Son écoute poétique, sa présence distante permet d’imaginer qu’il aura une autre approche de son prochain, et qu’il saura se conduire loin de la brutalité de ses ainés.

 Le soldat ventre-creux
d’Hanokh Levin
Mise en scène Véronique Widock
Avec Stéphane Facco, Vincent Debost, Axel Petersen, Henri Costa Christophe Pinon
En alternance Nicolas Couffin et Matéo Frey

Jusqu’au 29 septembre 2013
Du mardi au samedi 20h30 dimanche 16h30

Théâtre de la tempête
Route du champ de manœuvre 75012 Paris
Métro : Château de Vincennes puis navette
Réservation 01 43 28 36 36

www.la-tempête.fr

 

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