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Critique • « La Trilogie de la villégiature » par Alain Françon à la Comédie Française

Sep 22, 2013 | Aucun commentaire sur Critique • « La Trilogie de la villégiature » par Alain Françon à la Comédie Française

ƒƒƒ critique Dominika Waszkiewicz

villegiature2© Christophe Raynaud de Lage

Peut-on imaginer rentrée plus exquise que celle proposée en la salle Richelieu de la Comédie Française ? Sur des airs de Watteau ou de Fragonard, Alain Françon déploie la palette goldonienne pour notre plus grand plaisir. En trois actes et plus de quatre heures, il nous présente les vicissitudes de Bourgeois toscans dont l’apparente et gaie futilité enrobe étroitement une vacuité tragique et une solitude profonde.

Paraître paraître paraître

Première partie. Deux familles de Livourne s’affairent autour des préparatifs pour le départ. On part en villégiature ! Les malles s’emplissent et se vident en un mouvement fébrile, tout est sens dessus dessous. Et, quand la jalousie s’en mêle, la chose se complique et la pièce file sans que la trame ne semble évoluer vraiment.

lever-de-rideau-georgia-scalliet-joue-la-trilogie-de-la-villegiature,M69062Deuxième partie. Ouf ! Nous y sommes : dans un écrin pastel et bucolique, les maîtres reproduisent, sans plaisir apparent, la vie de la ville tandis que les serviteurs profitent enfin d’un brin de liberté. Mais, les intrigues se nouent et les possibles se créent. Touchants ou ridicules, les amoureux se suivent et se fuient dans une course quasi-mozartienne, sur les notes dolentes de la violoniste Floriane Bonanni. Entre le doux frou-frou des jupons de soie et les gourmands effluves du chocolat matinal, se dessine un château de cartes branlant dont la légèreté dissimule mal les failles pécuniaires. Car peu importe si l’on s’endette, la villégiature doit être fastueuse ! 

Troisième partie. Le retour. Les douces teintes célestes des taffetas se muent en velours lourds et sombres. Les comportements aussi s’assagissent et l’honneur et la raison remportent la victoire sur les débordements sentimentaux devenus inopportuns.

Ces trois épisodes nous brossent avec subtilité la vanité d’un monde bourgeois tout empreint de légèreté et qui s’épuise à vouloir à tout prix rivaliser avec l’oisive noblesse. Refus des réalités et vaines préoccupations baignent ainsi la trilogie d’un subtil mélange entre délicieuse frivolité et coupable inconséquence.

Une partition minutieuse pour des exécutants de talent

Dans une mise en scène hantée par les réminiscences de Strehler, Alain Françon parvient à exploiter à bon escient l’heureux mariage des canons de la commedia dell’arte et les abîmes tchekhoviens. En un ballet finement chorégraphié, les talents de chaque comédien se déploient en un tout excluant toute possibilité d’ennui. De l’emphase un peu bonhomme de Michel Vuillermoz, à la taciturne mélancolie de Guillaume Gallienne, en passant par la douce constance d’Elsa Lepoivre ou la sensuelle espièglerie d’Adeline d’Herny, chacun y trouve son compte dans un ensemble cohérent entretenant une perpétuelle mise à distance. Enfin, la langue souple et rythmée de la traduction de Myriam Tanant permet une grande liberté de jeu dans laquelle s’engouffrent avec bonheur les comédiens. Scénographie impeccable, précision et justesse interprétatives, voici-là une pièce admirable qui rappelle la grandeur du théâtre classique.

La Trilogie de la villégiature
De Carlo Goldoni
Texte français : Myriam Tanant
Mise en scène et version scénique : Alain Françon
Version scénique, dramaturgie et assistante à la mise en scène : Adèle Chaniolleau
Scénographie : Jacques Gabel
Costumes : Renato Bianchi
Lumières : Joël Hourbeigt
Son : Daniel Deshays
Musique originale : Marie-Jeanne Séréro
Maquillages : Carole Anquetil

 Avec: Anne Kessler, Éric Ruf, Bruno Raffaelli, Florence Viala, Jérôme Pouly, Laurent Stocker, Guillaume Gallienne, Michel Vuillermoz, Elsa Lepoivre, Hervé Pierre, Georgia Scalliet, Adeline d’Hermy, Danièle Lebrun, Benjamin Lavernhe
La Violoniste : Floriane Bonanni
Élèves-comédiens : Matëj Hofmann, Paul McAleer, Pauline Tricot, Gabriel Tur

Jusqu’au 30 septembre 2013 à 19h
Durée du spectacle : 4h30 avec deux entractes

Comédie-Française (Salle Richelieu)
Place Colette
75001 Paris
Tél : 0825-10-16-80
Métro : Palais Royal

www.comedie-francaise.fr

 

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