Critiques // Critique • « La Passe Interdite », de et avec Yanowski, MPAA-Auditorium Saint-Germain

Critique • « La Passe Interdite », de et avec Yanowski, MPAA-Auditorium Saint-Germain

Nov 22, 2013 | Aucun commentaire sur Critique • « La Passe Interdite », de et avec Yanowski, MPAA-Auditorium Saint-Germain

ƒƒƒ critique May Lee

 

Poésie de l’obscur

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©S-Laniray

Dans la pénombre du plateau, à la lueur ténue de deux ampoules à filaments, un piano demi-queue égrène des harmonies mineures. Un violon compatit. Une silhouette apparaît. Elégante crapule surmontée d’un feutre, deux mètres de mystère parfaitement ajustés dans une redingote grise. Fleur écarlate à la boutonnière, Yanowski s’approche à pas glissés. « J’ai tant d’histoires à vous raconter ». Des histoires fortement imprégnées de fantastique qui, bien qu’elles répondent au genre que l’on nomme « chanson », tordent le coup du format radiophonique d’une bien audacieuse manière. Ici, la littérature reprend ses droits et chaque mot semble n’avoir été retenu qu’au terme de longues auditions. Après douze années passées avec le Cirque des Mirages, Yanowski chevauche désormais seul sa poésie de l’obscur.

Couvert par son pianiste-complice Gustavo Beytelmann, il entretient avec le tango une liaison qui n’a rien d’épisodique. Son premier titre passe en revue les figures de cette danse du Rio de la Plata et sous sa plume, elle est bien moins cette « pensée triste qui se danse » qu’un feu allumé par le Malin. « Mais parmi toutes ces figures/Il en était une pour sûr/Qu’interdisait une loi inviolable/Et nul ici je vous le jure/N’aurait esquissé le parjure/De tenter la passe du diable ». Avec ses airs de malfrat surdimensionné, Yanowski nous fout les jetons. Passant de tableau en tableau, le voilà aux prises avec son reflet qui exige d’être libéré du miroir. Echappant à une course-poursuite dans le quartier juif, il parvient jusqu’au Rabbi Sholem, seul détenteur de la formule pouvant délivrer le reflet de son cadre. C’est magique et effrayant, drôle et palpitant comme un bon film d’aventures. Et puis il doit aussi se rendre au bal retrouver une comtesse polonaise vêtu d’une redingote volée, et faire l’amour à Petrouchka qui fait flamber ses hormones mais se refuse toujours au moment fatidique. Erotisme des bas-fond, ses mots évocateurs transpirent jusqu’au fond de la salle, le couple est sous nos yeux. Le violon aussi a ses mauvaises fréquentations, flirtant avec un esprit slave dont l’haleine sent la vodka.

Acteur exalté, chanteur émouvant, poète indéniablement, Yanowski redonne à la chanson ses lettres de noblesse. Sa gestuelle ciselée entre tanguero et torero vient souligner le verbe comme une robe moulante le cul de Petrouchka. Ses mains volettent, incisent l’air et happent d’invisibles démons. Et quand il entonne : « C’est fragile la vie d’un homme/Ca ne tient qu’à un rien/ Ca ne tient qu’à l’amour/Et puis ça vous retient/De dire à tous ceux-là/Qu’on aime sans mot dire/Qu’on voudrait les étreindre/Du bout des larmes », c’est l’ombre de Ferré qui plane dans la salle. Yanowski est un artiste immense.

Yanowski

Chansons à voix, chansons à textes, piano et violon

Yanowski : auteur, compositeur, metteur en scène et interprète
Gustavo Beytelmann : arrangements, collaboration à la composition, piano
Cyril Garac : violon
Fred Brémond : création lumières et scénographie
MPAA SAINT-GERMAIN
4 rue Félibien – 75006 Paris
Réservations 01 46 34 68 58
29 et 30 janvier 2014, Salle Gaveau, Paris
31 janvier 2014, Centre d’Art et de Culture, Meudon (92)
14 février 2014, Théâtre municipal, Beaune (21)
15 février 2014, Les Bains Douches, Lignières (18)
21 février 2014, Espace Culturel, Vendenheim (67)
7 mars 2014, Scène Jean-Roger Caussimon, Tremblay-en-France (93)
18 mars 2014, Domaine d’O, Montpellier (34)

 

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