Critiques // Critique • La Nuit des Rois au théâtre de l’Épée de Bois, mise en scène de Serge Lipszyc

Critique • La Nuit des Rois au théâtre de l’Épée de Bois, mise en scène de Serge Lipszyc

Mai 13, 2013 | Aucun commentaire sur Critique • La Nuit des Rois au théâtre de l’Épée de Bois, mise en scène de Serge Lipszyc

Critique Dominika Waszkiewicz

La-Nuit-des-rois1 

Balayant le répertoire théâtral avec plus de 2000 représentations à son actif, la Compagnie Matamore s’attribue la mission, hautement respectable, de « donner du sens à la parole ». La scène se veut révélatrice du monde, au carrefour des textes de Levin, Eschyle, Bond ou Tchekhov. Professionnel du verbe et constructeur de passerelles, Serge Lipszyc s’attaque cette fois-ci à Shakespeare et à sa savoureuse Nuit des Rois.

Côtes illyriennes. Viola et son frère jumeau Sébastien sont séparés lors d’un naufrage. Déguisée en homme et rebaptisée Cesario, Viola entre au service du Duc Orsino et s’éprend de lui alors que l’inaccessible et endeuillée Olivia rejette les avances du Duc au profit des jeunes attraits de l’adorable page… Texte dense, kaléidoscopique, cette comédie lyrique mêle subtilement les registres en un ensemble diapré, aux couleurs de l’âme humaine.

 

Quand un homme joue une femme qui joue un homme…

Serge Lipszyc décide de forcer sur les jeux de travestissements en compliquant la donne. En effet, la distribution ne semble pas tenir compte des sexes et le labyrinthe instauré par Shakespeare se densifie. Ainsi, Viola-Cesario est-elle interprétée par un homme (remarquable Sylvain Méallet). Et Olivia (Bruno Cadillon) pareillement. Jusque-là, le stratagème reste pertinent et pourrait devenir un malicieux clin d’œil à la dimension meta-théâtrale de la pièce… À condition de l’utiliser avec justesse ! Mais, le travestissement perd à la fois son aspect comique et son intérêt lorsqu’il est laissé entre les mains d’une hasardeuse distribution. Pourquoi faire jouer Valérie Durin dans le rôle d’Orsino et laisser, dans le même temps, Henri Payet interpréter Sir Andrew ? Entre les hommes qui jouent des femmes, les femmes qui jouent des hommes, les hommes qui jouent des hommes, on s’y perd. What for ?

 

Shakespeare édulcoré

Malgré les efforts vocaux de Lionel Muzin, le spectacle manque cruellement de rythme. Les scènes se suivent, un peu à la manière de tableaux, sans musicalité aucune. Heureusement, l’on se réjouit toujours d’ouïr les trésors que recèle cette œuvre magnifique! Mais certains traits ne nous parviennent pas, incompris, ou tout simplement noyés dans une mise en scène très illustrative et pas toujours pertinente. C’est parfois juste mais souvent plat. Un peu suranné. Les entrées et les sorties ne s’enchaînent pas bien dans cette imposante salle en pierre. Tout a un air poussiéreux, verbeux.

Au milieu d’un bric-à-brac de naufrage, grosse machine à jouer baignée de sable, de planches et de brouillard, les comédiens font leur possible pour dépasser l’artifice et les faux-semblants. Le résultat reste finalement très inégal et les erreurs de mise en scène nous empêchent de jouir pleinement des exquis ingrédients pourtant réunis : une belle troupe, un texte sublime, un lieu magique…

 

La Nuit des Rois
De Shakespeare
Mise en scène : Serge Lipszyc
Traduction : Jean-Michel Desprats
Scénographie : Sandrine Lamblin assistée de Laetitia Francheschi
Costumes : Anne Rabaron
Lumière : Nicolas Gros
Avec : Bruno Cadillon, Gérard Chabanier, Juliane Corre, Jean-Marc Culiersi, Valérie Durin, Serge Lipszyc, Sylvain Meallet, Lionel Muzin, Henri Payet
 
Durée: 2h
Jusqu’au au 9 juin 2013 – Du mardi au vendredi à 21h, le samedi à 19h, le dimanche à 16h
 
Théâtre de l’Épée de Bois
Cartoucherie
Route du Champ de Manœuvre 75012 PARIS
Métro : Château de Vincennes puis navette ou bus 112
Réservation : 01 48 08 39 74
www.epeedebois.com

Be Sociable, Share!

Répondre

You must be Logged in to post comment.