Critiques // Critique • La maison de Bernarda Alba de García Lorca au théâtre de l’Épée de Bois, mise en scène d’Antonio Díaz-Florián

Critique • La maison de Bernarda Alba de García Lorca au théâtre de l’Épée de Bois, mise en scène d’Antonio Díaz-Florián

Fév 25, 2013 | Aucun commentaire sur Critique • La maison de Bernarda Alba de García Lorca au théâtre de l’Épée de Bois, mise en scène d’Antonio Díaz-Florián

ƒ Critique Dominika Waszkiewicz

DSC_0037© Abel Alba

Écrite en 36 en prison, la dernière pièce de Lorca est un cri contre l’intolérance : le cri désespéré d’un noyé qui veut dénoncer les êtres qui l’étouffent de leur bienséance poisseuse et conservatrice.

En une petite ville andalouse, huit femmes vivent le premier jour de huit années de deuil. Bernarda vient de perdre son second mari et décide de fermer sa maison, d’y emmurer ses cinq filles.

Baignées de chaleur, de fiel et de frustration, elles voient arriver le prétendant d’Angustias, le jeune et fringant Pepe El Romano, irrésistible appel à la vie et à la liberté…

Le sabbat des sorcières

De curieuses figures nous accueillent au milieu des moucharabiehs de la salle boisée : silhouettes endeuillées d’un autre temps, sombres duègnes casquées de hautes mantilles arachnéennes et étranglées dans les rigides godrons de leur fraise. Sourires carnassiers, yeux brillants et faces blêmes, ces monstres-femmes sont les incarnations des cauchemars de Goya : des sorcières échappées d’un sabbat des « peintures noires ». Éclairées en contre-plongée et prolongées par de fantastiques ombres portées, elles dardent sur nous leurs visages grimaçants. Naines ou Ménines, leurs déplacements (les comédiennes se meuvent sur les genoux) s’apparentent aux grotesques déambulations de marionnettes, condamnées à réitérer la vaine répétition de leurs actes : « le fil et l’aiguille pour la femme… »

L’effet est surprenant et beau. Une sorte d’esthétique de la monstruosité, une poésie de l’horreur. Les corps, comprimés sous les couches d’étoffe, semblent transmettre leur expressivité contenue aux faces mouvantes et hideuses. Dans un rythme soutenu aux enchaînements soignés, c’est une danse macabre qui se déroule sous nos yeux enchantés.

« Une suite de cris et de chuchotements » ?

Mais point de synesthésie ici : ce que les yeux goûtent ne charme pas les oreilles. Hélas, la promesse d’une malsaine tension s’envole rapidement en éclats hystériques. Les conflits, au lieu de macérer dans l’enfer de cette maison, explosent trop explicitement tout au long du spectacle et se désamorcent ainsi systématiquement. Les femmes crient leur haine et la louable subtilité du jeu est masquée par une ambiance sonore de poulailler. Où sont donc les chuchotements annoncés ?

La cacophonie résultante ne permet plus d’apprécier la « musique des mots ». N’est pas chef d’orchestre qui veut ! Non seulement la partition de Lorca en est ébranlée mais les tympans en sortent meurtris.

Quel dommage ! Il faudrait revoir, pour se consoler, la mise en scène d’Andrea Novicov…

La maison de Bernarda Alba
De García Lorca
Adaptation, traduction, mise en scène : Antonio Díaz-Florián
Assistantes mise en scène : Graziella Lacagnina, Dolores Lago Azqueta
Costumes : Abel Alba
Scénographie : David León
Conseiller scénographe : Jean-Marie Eichert
Lumières : Quique Peña
Avec: Graziella Lacagnina, Dolores Lago Azqueta, Jayne Walling, Johanna Lecomte, Laura Lutard et Marina Boudra

Durée: 1h35
Jusqu’ au 27 avril 2013
Du jeudi au samedi à 20h30 et les dimanches à 16h jusqu’au 3 mars puis, tous les samedis à 20h30

Théâtre de l’Épée de Bois
Cartoucherie
Route du Champ de Manœuvre 75012 Paris
Métro : Château de Vincennes, puis bus 112, arrêt Cartoucherie
Réservation : 01 48 08 39 74
http://www.epeedebois.com/

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