ƒƒƒ Critique Denis Sanglard
No Man’s land
Où sommes nous ? Au milieu de nulle part sans doute. Un paysage enneigé où sont posées trois misérables caravanes. Un sentiment de désolation et d’étrangeté qui semble recéler des mystères non avouables. La première image d’emblée nous emmène aux confins du cauchemar où l’on voit une femme enceinte enfouir un bébé dans la neige. Rêve ou réalité ? Tout le spectacle tient dans cette ambiguïté permanente où tout semble pouvoir basculer d’un moment à l’autre. Un quotidien banal à pleurer où se fracassent des êtres perdus qui soudain oscillent dangereusement vers une autre réalité qui les aspire brutalement. Un monde fantastique qui révèle leurs désirs les plus secrets, des intimités insoupçonnées et des envies brutales. Un cauchemar tapi qui surgit inopinément et illustre l’envers du décor, ce dénuement des êtres dont les rêves se déchirent dans ce no man’s land effrayant de solitude. 32 rue Vandenbranden est un jeu de rôle où chacun se rêve, s‘incarne, pénètre à la marge de soi jusqu’à la cruauté et l’interdit, défiant les tabous…
Fusion organique
Comme toujours avec la Compagnie Peeping Tom, les corps ont des envolées lyriques et insensées comme propulsés de l’intérieur. Une danse de Saint-Guy qui ne cesse pas. Où les corps doivent exsuder jusqu’à l’épuisement, l’explosion, ce qui les ronge, les habite. Les danseurs sont de véritables contorsionnistes qui font d’un duo d’amour et bientôt de haine, l’envers et l’endroit toujours, un miracle d’enlacement et de fusion organique. Danse-théâtre portée à son extrême, à son incandescence, Peeping-Tom fouille dans les replis de l’inconscient collectif. Ce qui les caractérise sans doute est cette formidable appétence aux mouvements les plus extrêmes, à cette désarticulation des corps qui marque le malaise de l’individu que masque à peine une gesticulation, une énergie déployée en vain dans son quotidien qui comblerait un vide existentiel. L’urgence prédomine et les corps se télescopent plus qu’ils ne s’étreignent. Une attraction-répulsion permanente. Le quotidien sans cesse dérape vers une réalité enfouie que la danse fait émerger. Les corps sont porteurs d’une mémoire individuelle et collective qui se confronte à la réalité et son mensonge. Porteurs de rêve aussi. La force de Peeping Tom est sans doute de plonger dans ses arcanes, d’en révéler les contradictions et de proposer une œuvre originale et radicale.
32 rue Vandenbranden
Peeping Tom
Conception et mise en scène: Gabriela Carrizo et Franck Chartier
Danse et création: Séoljin Kim, Hun-Mok Jung, Marie Gyselbrecht, Jos Baker, Sabine Molenaar, Maria Carolina Vieira, Eurudike De Beul, Madiha Figuigui
Dramaturgie: Nico Leunen, Hildegard De Vuyst
Composition sonore: Juan carlos Tolosa, Glenn Vervliet
Conception des décors: Peeping Tom, Nele Dircks, Yves leirs, Frederick Liekens
Conception lumière: Filip Timmerman, Yves leirs
Costumes: Diane Fourdrinier, Hyo-Jung JanglangMontfort Théâtre
106 rue Brancion
75015 Paris
Métro : Porte
Jusqu’ au 7 août à 20h30 et 18h le dimanche. Relâche lundi et jeudi.Réservations : 01 44 94 98 00
Et à la billeterie du festival, Place Colette, 75001 Paris
Les soirs de spectacle au Théâtre Sylvia Montfort à 18h30
www.quartierdete.com