Critiques // Critique • «La trilogie de Franck» de François Cervantes au Théâtre de Sartrouville

Critique • «La trilogie de Franck» de François Cervantes au Théâtre de Sartrouville

Mai 14, 2012 | Aucun commentaire sur Critique • «La trilogie de Franck» de François Cervantes au Théâtre de Sartrouville

Critique de Dominika Waszkiewicz

Une source vive d’humanité


© Christophe Raynaud de Lage

Embarquement immédiat pour un voyage poétique au cœur des émotions humaines !

En 1996, François Cervantes a passé une année scolaire au fond d’une salle de classe d’un collège de Trappes et, pour La Table du fond, il nous propose de nous installer derrière un bureau d’écolier. Sylvie Salin, alias Nicole Choukroun, entre en claudiquant et l’histoire peut commencer. Elle cherche son fils, Franck. Âgé de 13 ans, le collégien n’est pas rentré à la maison depuis trois jours. Sa mère le croit mort et son errance l’a conduite dans cette salle de classe, la salle 202. On lui a donné les clefs. Elle a cassé un talon de ses chaussures de luxe et sa cheville est enflée. Dans une rage de petite fille, elle tente de briser le second talon en le frappant contre le tableau. Alerté par le vacarme, le proviseur pénètre à son tour dans la salle de classe. Débute alors un dialogue en cinq temps où Stephan Pastor va, tour à tour, revêtir le rôle du proviseur, du professeur d’Histoire-Géo, du concierge, de la prof de mathématiques et, enfin, du professeur de français. Chaque interlocuteur va raconter un peu de la vie de Franck au collège (car il continue à venir en cours !). Tous reconnaissent que Franck est un garçon singulier qui se livre difficilement. Il porte en lui « du silence » dit le concierge. Mais, il aime l’école et voue une passion aux livres.

Silence est le récit des retrouvailles entre la mère et le fils, dans un bar où Franck s’est réfugié pour pouvoir lire tranquillement. C’est le moment où ces deux êtres peuvent s’observer et, peut-être enfin, tenter de communiquer. Après un prologue sous forme narrative, nous découvrons l’adolescent plongé dans l’Aiglon de Rostand. Sixième travestissement pour Stephan Pastor et non le moindre : voici le comédien littéralement métamorphosé en un garçon de 13 ans. Le résultat est confondant.

Avons-nous encore des rites initiatiques assez forts pour marquer le passage à la vie adulte ? Quel rôle peut jouer l’école dans la vie des adolescents ? Sylvie a cru son fils mort, le professeur de français lui parle d’une re-naissance : Franck naît à lui-même grâce à la littérature. Point besoin de bavardages sur le sujet : le phénomène nous est donné à voir, là, simplement. D’où l’émotion.

Dans la continuité de ses recherches sur le théâtre de masques, François Cervantes nous présente un convainquant travail de travestissement, et les transformations de Stephan Pastor sont remarquables. En effet, il suffit parfois de quelques détails (lunettes avec sourcils broussailleux pour le prof d’Histoire-Géo, perruque et rembourrage aux hanches pour la prof de maths) ainsi qu’une bonne dose de talent et de travail pour créer un personnage nouveau.

Dans cette modeste salle de répétition, nous nous rendons vite compte que nous assistons à des instants uniques et précieux. Les deux comédiens se livrent à nous dans une vérité toute nue : ils n’hésitent pas à passer tout près entre les tables et parfois nous croisons leur regard. Un regard franc, direct, qui ne scille pas, qui ne cherche pas à nous tromper, à nous faire avaler des histoires à dormir debout. Au début, un brin décontenancé par ce rapport inhabituel mais parfaitement assumé, on est mal à l’aise, un peu gauche. Puis, on sent que cette soirée est une soirée de rencontres. Rencontre avec des comédiens vibrants de générosité, rencontre avec une écriture poétique du réel, rencontre avec un lieu aussi, cette salle au bout d’un labyrinthe de couloirs et d’escaliers rouges, noirs et blancs, rencontre avec un public, enfin.

La Trilogie de Franck (La Table du fond, Silence, Le Soir)
Texte et mise en scène de François Cervantes
Régie générale Christophe Bruyas et Guillaume Ledieu (Silence)
Avec  Nicole Choukroun et Stephan Pastor

Du 11 mai au 26 mai 2012
La Table du fond et Silence du 11 mai au 15 mai : mardi, vendredi et samedi à 21h, lundi à 19h30
Le Soir, les 22 et 23 mai à 21h, le 24 à 19h30.
Intégrale les 25 et 26 mai à 19h30

Théâtre de Sartrouville et des Yvelines, Centre Dramatique National
Place Jacques-Brel – 78500 Sartrouville
Réservation  01 30 86 77 79
www.theatre-sartrouville.com

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