Critiques // Critique . « Un siècle d’industrie » mise en scène d’Hugo Malpeyre au Théâtre de l’Opprimé

Critique . « Un siècle d’industrie » mise en scène d’Hugo Malpeyre au Théâtre de l’Opprimé

Oct 27, 2012 | Aucun commentaire sur Critique . « Un siècle d’industrie » mise en scène d’Hugo Malpeyre au Théâtre de l’Opprimé

Critique de Bruno Deslot

©DR

Les années 20 épargnent la firme Kolb, spécialisée dans le traitement des déchets, des grandes crises économiques qui déferlent sur toute l’Europe. Le vétéran de la Grande Guerre, Otto Krüg, rentre dans la firme Kolb comme simple administré, et le jeune arriviste développe rapidement les activités de la société en ramenant un nouveau marché  en 1940 : celui du crématorium de Magdebourg !

« Travailler plus pour gagner plus ! »

Librement inspirée de l’histoire de la firme Topf und Söhne et de celle de l’ingénieur Kurt Prüfer, la pièce de Marc Dugowson confronte la grande Histoire à celle plus intimiste de la cellule familiale Kolb. Chacune se fait écho et la conjoncture, économique, politique et sociale, constitue le point de jonction entre les deux. Une écriture soignée, visant l’essentiel permet de conserver un climat de tension durant toute la représentation. L’énonciation se révèle être convulsive et l’intensité du malaise s’intensifie à mesure que la crise s’installe. Des répliques intimistes permettent d’apporter un peu de souffle à ce climat pesant et rapidement étouffant. La mise en scène d’Hugo Malpeyre et l’interprétation juste et talentueuse des jeunes comédiens (iennes) offrent au spectateur un moment de puissance émotionnelle rare.

Des piles de vêtements, pliées avec soin et déposées à même le sol, sont placées de part et d’autre de la scène, séparées par deux tables présentées à la verticale et séparant l’aire de jeu en un espace bi-frontal. Une rangée de chaises en fond de scène sert de coulisses pour les comédiens (iennes) qui pénètrent l’aire jeu en respectant toujours un déplacement précis allant du centre de la scène pour y jouer, puis longeant un angle imaginaire pour la quitter lorsque la scène se termine. La vidéo projette les années que parcourt l’histoire au rythme trépidant des évolutions et conflits d’intérêts de la firme Kolb.

L’ordre régnant sur scène au début de la pièce répond à une logique de déflagration toujours en écho aux situations d’une extrême complexité auxquelles est confrontée la firme. Le système de crématorium de Magdebourg est assez rentable mais la SS demande des performances hallucinantes au jeune Krüg qui accroît la capacité des fours crématoires et collabore à la mise au point des chambres à gaz. Certes, la firme Kolb crée de l’emploi et tourne à plein régime ! Mais à quel prix ?

Le crime de la naïveté !

Tous participent au développement économique de la firme Kolb, ce vieux paralytique se déplaçant en fauteuil roulant ou à l’aide d’une canne, mais à quel prix ? Celui de la naïveté, de l’innocence, de la méconnaissance ?

La mise en scène recourt à des procédés éculés mais fonctionne assez bien grâce à une équipe artistique qui envisage la scène de manière collective et dans une cohérence mettant en exergue leur réel talent. Le vieux caddie bricolé dans lequel Kolb se déplace, les deux panneaux nommant les lieux d’ Auschwitz et Erfurt afin d’identifier les deux espaces scéniques sur lesquels se déroulent les horribles tractations, les piles de vêtements éparpillées sur scène à mesure que les morts s’additionnent, le champs de bataille lorsque les soviétiques gagnent du terrain, les tables renversées, la scène représentant le chaos final…donnent le sentiment qu’Hugo Malpeyre a procédé par stratification, additionnant les recettes (et c’est un connaisseur !) rebattues du théâtre d’aujourd’hui ! Et pourtant cela fonctionne ! L’opération coup de poing  a atteint sa cible et l’on quitte la salle fragilisé par autant d’émotions. Bien que jouant parfois en force les comédiens sont confondants et mettent à l’honneur un réel travail de troupe et de réflexion à propos de la notion « du comédien et son double ».

Un siècle d’industrie
De : Marc Dugowsson
Mise en scène : Hugo Malpeyre
Avec : Mathieu Lourdel, Naïs El Fassi, Tristan Gonzalez, Gaétan Delaleu Vladimir Golicheff, Dina Milosevic, Maxime Berdougo.
Collaborateur artistique : Fabio Godinho
Scénographie : Emmanuelle Chiappone-Piriou et Josselin Vamour
Création lumières : Delphine Perrin
Costumes : des Comédiens
Graphiste : Jean-Baptiste Rony
Web designer : Raphaël Mignot
Photographe : Benoît Jeannot
Du mercredi au samedi à 20h30, dimanche 17h – Jusqu’au 4 novembre 2012
Théâtre de l’Opprimé
88 rue du Charolais
75012 Paris
Réservation : 01 43 45 81 20
Métro : Reuilly-Diderot, Montgallet, Dugommier, Gare de Lyon
www.theatredelopprime.com

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