Critique de Camille Hazard
Tout d’abord, il y a un texte lu par son auteur : Médéa. Pascal Quignard réexplore le texte de Médée d’Euripide pour en tirer la principale sève de l’histoire :
La rencontre, l’amour entre Médée et Jason, la trahison de Jason et son mariage avec Créuse la fille du roi Créon, la vengeance enflammée de Médée magicienne, brûlant la robe de la promise puis la cité toute entière, enfin l’irréparable infanticide né d’une vengeance aveuglée par la jalousie et l’amour. Médée assassinant ses enfants.
Dans son texte, P. Quignard délaisse certains aspects de l’histoire pour en enchevêtrer d’autres. Il rapproche ainsi la figure de la Vierge à celle de Médée : Deux femmes qui enfantent des enfants morts. Il oppose le sacrifice furieux de Médée à l’instinct maternel et protecteur d’une des deux femmes dans la parabole du jugement de Salomon.
Ce texte donne à entendre des sentiments, des sensations contraires. Des sonorités brutes, des racines étymologiques, modelées mathématiquement, s’entremêlent dans un roulis poétique et sensuel.
Le feu ancestral brûle et c’est dans ce feu, dans ce « volcan » que Carlotta Ikeda et l’auteur se rencontrent.
Midi, Médée médite
Le texte s’élève, habite le théâtre puis laisse place à Carlotta-Médée. On regrette un peu que le spectacle s’articule en deux strates : lecture puis danse. L’énergie, la tension du texte et de la danse auraient peut-être pu s’accoupler dans un même temps. Parfois des langueurs s’élèvent et nous privent d’une tension contenue dont nous sommes demandeurs!
Mais la figure de Médée approche. Sur scène, un long moment dans l’ombre, tournant autour d’un seul point lumineux, elle se révèle à nous comme le soleil qui se lève. Médée est le soleil. Carlotta Ikeda, flottante dans un kimono rouge sang, vit sur scène cette Médée qui réchauffe, qui éblouit, qui donne vie et la reprend.
Dans une progression presque imperceptible C. Ikeda inscrit la tragédie de Médée dans son corps. Aucune illustration, seuls trois tombes blanches, dessinées par un halo de lumière au centre de la scène, accompagnent cet être sans âge. La douleur, l’effroi, la fureur, l’attente, l’amour… autant de thèmes universels présents en chacun de nous, prennent empreintes dans ses cuisses, ses bras, ses joues, ses mains… Son corps ne « montre » pas, au contraire il s’efface et met en lumière la pureté en même temps que le chaos.
La musique d’Alain Mahé illustre l’histoire par des sons, des bruitages. Mais ces « repères » nous empêchent par moments de suivre pleinement Médée et de lui appartenir. Ils nous retiennent dans la représentation.
Médée belle et violente danse pour nous avant de regagner le soleil.
*Lire également la critique de Denis Sanglard
Medea
Interprétation et chorégraphie : Carlotta Ikeda
Texte et lecture : Pascal Quignard
Musique, composition et interprétation : Alain Mahé
Création lumière : Eric Blosse
Conseiller artistique : Stéphane Vérité
Régie générale compagnie : Laurent Rieuf
Régie Son : Jérôme Dupuy
Régie Lumière : Laurence Vlasic
Régie générale : Guillaume Lambert
Habilleuse : Hélène de Laporte
Du 7 au 19 février 2012
Mardi, vendredi 21h00 – mercredi, samedi 19h30 – dimanche 16h00
Théâtre Paris-Villette
211 Avenue Jean Jaurès – Paris 19ème
Métro – Porte de Pantin – Réservations au 01.40.03.72.23.
www.theatre-paris-villette.com
Exposition de photographies de Carlotta Ikeda par Laurencine Dot « Du butô à la danse insensée »
Du 27 janvier au 26 mars
Dorothy’s Gallery
27, rue Keller – Paris 11ème
Soirée exceptionnelle Samedi 10 mars 2012, Dorothys’Gallery
Amour Déchu -Danse Butô
Avec: Denis Sanglard et Hélène Barrier (anciens élèves de Léone Cats-Baril)
Costumes: Olivier Petigny
Entrée libre