Critique de Djalila Dechache
Ils sont beaux, ils sont jeunes, ils sortent du Conservatoire ou quasiment. Ils jouent dans « Les deux nobles cousins, héros maltraités » de William Shakespeare (1564-1616) et John Flechter (1579-1625). Une pièce peu connue, peu montée, une pièce que l’on pourrait croire à première vue de jeunesse, mais c’est tout le contraire. Elle date de la fin de la vie du grand auteur élisabéthain. Comme le dit Sara LLorca, metteur en scène, dans la brochure du théâtre 13 : » Il a fallu élaguer, réduire le texte afin de lui donner la finalité que nous voulions, Denis Llorca et moi-même ».
©Fabienne_Rappeneau
Cette pièce a été montée en dernière année du Conservatoire, avec les seize camarades de la promotion 2009 de Sara Llorca. Un bon nombre de rencontres avec des metteurs en scène aussi différents que prestigieux et celle de Colette Nucci, directrice éclairée et sensible du 13, ont été déterminantes, et le texte est re-lu, re-fait, re-créé avec neuf comédiens cette fois.
Cela suffit-il pour passer une bonne soirée ?
Non, bien sûr ! Ils sont en plus inventifs, créatifs et bondissants. Ils arrivent sur scène, presque pas grimés, mis à part un trait de crayon au dessus des sourcils, comme un signe d’appartenance, un signe distinctif à la Ariane Mnouchkine. Ils se tiennent debout, en ligne, sur scène, plantent le décor, simplement vêtus. Peu à peu, l’histoire s’installe. Une histoire d’amour contrariée, comme il se doit, qui bouleverse les protagonistes, comme un passage obligé pour entrer dans le monde des adultes, ce monde fait de compromissions, de mensonges et de faux-semblants.
Peu de choses en somme sur la scène de cette toute nouvelle salle du Théâtre 13, côté Seine. Un praticable, un petit escalier, quelques chaises empilées, un fond d’écran blanc et c’est tout.
Une pièce de théâtre est comme une pucelle, on court après l’une et l’autre » W. Shakespeare
Voilà, C’est dit, le ton est donné, ils sont neuf, tout de noir vêtu, s’habillent chacun leur tour d’une robe blanche comme l’autre face d’une même page. Une musique rock déferle soudain dans un brouhaha de mouvements quand surgit au bout d’un micro, un rockeur égaré d’une salle londonienne. Et puis il y a la danse, le chant, la diction parfaite de la langue du théâtre, de la langue de Shakespeare et ce qu’il décide passant de la tradition grecque, aux chevaliers ou même encore plus fort à notre époque quand s’ouvre la pièce et que le geôlier dit au public dans le prologue : » Prêtez-nous le secours de vos applaudissements, et ne nous laissez pas-pitié!- faire naufrage ! Mais si nos efforts ne nous peuvent éviter le spectre du chômage, si la recette est maigre, alors il nous faudra fermer le théâtre ».
On pourrait reprocher quelques longueurs dans cette pièce et quelques excès mais ces aspects sont bien vite dissipés tant la troupe se donne totalement. Ils sont joyeux, bondissants, tendres et ils nous emportent pendant ces deux heures de spectacle qui filent sans s’en apercevoir. Parfois, ils nous entrainent dans leur course folle et nous les suivons jusqu’à perdre haleine, jusqu’à souffrir avec eux telle la scène de la fille du gêolier qui se meurt pour son amant ou encore le corps à corps de Palemon et Arcite. Le public ne s’y est pas trompé, les applaudit franchement et chaleureusement.
Ils sont beaux, ils sont jeunes et plein de fougue. Comme le théâtre en somme. Et l’humanité.
« Les Deux nobles cousins, Héros maltraités » de William Shakespeare et John Fletcher
Mise en scène de Sara Llorca
Avec François de Brauer, Chloé Chevalier, Emmanuel Faventines, Pierre-François Garel, Pauline Huruguen, Lara Marcou, Estelle Meyer ou Sara Llorca, Sébastien Mignard et Guillaume Séverac-Schmitz.
Adaptation Denis Llorca ,
Scénographie Charles Vitez
Lumières Léo et Frank Thévenon
Musique Guillaume Séverac-Schmitz ,
Costumes Raoul Fernandez ,
Administration Alain Rauline
Production Compagnie du Hasard Objectif avec le soutien de la Spédidam, du Jeune Théâtre National de la Ville de Paris et de l’Adami. Spectacle créé en collaboration avec le Théâtre 13.
Du 20 mars au 29 avril 2012
1h55 sans entracte
Théâtre 13 côté Seine
30 rue du Chevaleret
75013 Paris
métro Ligne 14, Bibliothèque François Mitterand
réservation 01 45 88 62 22